La veille du 7 novembre 1987, Tunis se couche dans l’inquiétude. L’automne cette année est particulièrement triste.
La crise couve dans la rue et le vieux et sénile combattant suprême, Habib Bourguiba, se mure dans un « autisme politique » de plus en plus dangereux pour le pays du jasmin. Deux hommes se rencontrent quotidiennement et passent des heures à fignoler les détails d’un plan qui sauvera la Tunisie du chaos. Deux « amis de trente » ans qui ont eu une carrière à l’identique jusqu’au 7 septembre 1987. Deux jeunes hauts gradés que Habib Bourguiba- qui était réputé être très méfiants avec les militaires- commit l’erreur de mettre aux postes clés de la sécurité de la Tunisie. Les généraux Zine Al-Abidine Ben Ali et Habib Ammar, tous les deux nés en 1936 dans la région de Souss et camarades de promotion à l’école de guerre Saint-Cyr, se voient une dernières fois à la garnison d’El-Aouina, fief de la garde nationale dirigée par Habib Ammar, pour les ultimes réglages avant de « déposer constitutionnellement » celui qui dirigeait la Tunisie depuis l’indépendance.
Des soupçons de torture
Plusieurs observateurs de l’époque l’affirment. Sans Habib Ammar, le général Ben Ali n’aurait jamais réussi son « coup d’état médical ». Même en étant Premier ministre, il avait besoin de l’aide précieuse de son « ami » qui était à la tête de la garde nationale, véritable pilier sécuritaire du régime. Habib Ammar a gravi les échelons militaires avec patience et sans créer de vagues. Ayant parachevé sa formation aux Etats-Unis et en Italie, il sera nommé en 1983 attaché militaire à l’ambassade de Tunisie à Rabat, poste que Ben Ali avait déjà occupé avant lui. En janvier 1984, Habib Bourguiba, pris de panique face à l’activisme islamiste d’Ennahda, fait appel à lui pour diriger la Garde nationale (gendarmerie) forte de 7000 hommes particulièrement bien équipés et sur-entraînés alors qu’il portait encore le grade de colonel.
En 1987, il offre le pouvoir à Ben Ali qui le récompense en le nommant ministre de l’Intérieur , puis ministre de l’Etat chargé de l’Intérieur. Dès sa prise de fonction, une rafle générale touchant les activistes islamistes est menée par la tristement célèbre Brigade d’Investigation et de Recherche (B.I.R) qu’il avait créée en 1986. C’est cette époque là qui lui vaut les procès en torture qu’il traîne jusqu’à maintenant. L’OMCT et certaines organisations des droits de l’homme l’ont accusé d’être d’homme de « basses besognes » de Ben Ali. En 1988, Ben Ali le limoge du gouvernement suite à des propos supposés qu’il aurait tenu en privé sur le nouveau « règne ». Il est alors nommé ambassadeur en Autriche et puis en 1995, il retrouve les faveurs de son vieil ami qui le renomme ministre à la Communication. Quand Abdelhamid Echeikh, un autre général en charge des jeux méditerranéen décède des suites d’une longue maladie, le président fait appel à Habib Ammar pour présider le comité d’organisation. En 2005, il le rappelle encore pour veiller à l’organisation du sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), qui s’était tenu dans la capitale tunisienne en novembre 2005.
Retraite ou repos du guerrier ?
Depuis, le général semble se plaire dans son rôle d’homme à la retraite. Il dirige la Mediterranean Telecommunication Group, une nouvelle société de la holding familiale dirigée par son fils Douraid. On le voit également assez souvent faire de la marche dans une banlieue huppée de Tunis et à Souss où il posséderait plusieurs cafés et des restaurant. Habib Ammar se tient à l’écart des affaires politiques et tient à ne pas s’immiscer dans les conflits qui opposent les différents clans qui entourent le président Zine Al-Abidine Ben Ali. Cependant, au cas où la question de la succession se pose avec insistance, l’homme garde un certain nombre d’atouts qui le feront certainement peser sur n’importe quel choix….
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