Par Skander Salhi
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Le nouveau Premier ministre Abdelmadjid Tebboune s’est illustré depuis sa prise de fonction par une attitude très hostile à l’égard des oligarques algériens. En dépit du poids de ce véritable lobby, Tebboune a d’emblée imposé sa vision laissant entendre que l’argent n’avait pas sa place dans la vie publique. Pour assainir son gouvernement, il impose donc des mesures qui réduisent significativement l’influence des oligarques les plus influents d’Algérie.
L’affectation des réserves foncières agricoles destinées à la création de nouvelles exploitations agricoles et d’élevage signées par son prédécesseur, Abdelmalek Sellal, au profit de nombreux hommes d’affaires influents a ainsi été gelée. Tebboune a adressé un courrier à l’ensemble des bénéficiaires pour leur annoncer que l’affectation des fermes pilotes associant des partenaires privés était suspendue, dans l’attente de l’arbitrage du Conseil des participations de l’Etat (CPE). L’annonce a fait l’effet d’une bombe et plusieurs oligarques algériens ont exprimé leur mécontentement.
Le Premier ministre s’en est également pris à la filière automobile organisée par le très controversé Abdesslam Bouchouareb, ex-ministre de l’Industrie, homme d’affaires et ami de la plupart des oligarques algériens. Tebboune s’apprête à mettre en place des commissions de contrôle pour une inspection de l’ensemble des usines lancées jusqu’à présent, sources de nombreuses polémiques puisque ayant bénéficié d’importants avantages fiscaux et parafiscaux, sans avoir apporté pour l’heure de valeur industrielle à l’économie algérienne. Dénonçant des importations déguisées, le gouvernement Tebboune s’apprête à revoir le cahier des charges réglementant la filière de montage des véhicules.
Dans le même temps, le chef du gouvernement s’est aussi attaqué au puissant Forum des chefs d’entreprises (FCE) présidé par Ali Haddad, l’écartant de plusieurs réunions gouvernementales. La semaine passée, Tebboune a expressément demandé le départ de Haddad lors d’une visite de terrain, du jamais vu! Passablement agacé, le patron des patrons a réagit en scellant un pacte avec l’UGTA, l’intersyndicale algérienne. Un communiqué commun affirme que « les signataires du Pacte national économique et social de croissance, UGTA, FCE, CNPA, CIPA, CAP, UNI, CGP-BTPH, AGEA, expriment leur vive préoccupation après le traitement réservé au président du FCE, Monsieur Ali Haddad, le samedi 15 juillet 2017 à l’Institut supérieur de la Sécurité sociale ». Pour les signataires, le geste de Tebboune qui a refusé la présence de Haddad à la cérémonie de remise de diplômes qu’il devait présider, a indéniablement porté préjudice au Pacte économique et social.
Après plusieurs années d’une véritable mainmise sur la vie politique algérienne, le pouvoir des oligarques locaux se trouve ébranlé. La question est aujourd’hui de savoir si le Premier ministre disposera des soutiens nécessaires au sommet de l’Etat afin d’aller au bout de son entreprise.