Le leader du parti Ennahda, cheikh Rached Ghannouchi, ne décolère pas contre l’establishment et notamment contre le général Rachid Ammar qu’il accuse, en privé, d’être le véritable maître de la Tunisie d’après Ben Ali. Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est la décision de reporter les élections de la Constituante au 23 octobre prochain. Ce scénario, qui a été exclu dans un premier temps par le premier ministre, Béji Caïd Essebssi, a été finalement retenu sous la pression de l’armée. Les dirigeants d’Ennahda soupçonnent le général Rachid Ammar de faire le jeu des laïcs et des anti-islamistes. D’après des sources bien informées à Tunis, les actuels dirigeants Tunisiens ont été convaincus de reporter les élections, vu les sondages qui donnent le parti de cheikh Ghannouchi largement vainqueur dans n’importe quelle votation qui serait organisée dans les mois à venir. « Il ne fallait surtout pas répéter le précédent algérien, puisque devant une large victoire des islamistes d’Ennahda aux élections de la Constituante, l’armée allait certainement intervenir et bloquer le processus », explique un ancien ministre de Bourguiba. Il est vrai qu’il existe en Tunisie une élite politique et économique fortement laïque et attachée aux valeurs du libéralisme à l’européenne. « Cette élite constitue la valeur ajoutée de la Tunisie par rapport à d’autres pays de la région », affirme un diplomate occidental en poste à Tunis. Aujourd’hui, l’armée tunisienne sous la conduite du général Rachid Ammar qui, d’après les informations dont nous disposons, ne veut aucunement le pouvoir, se sent investie de la mission de faire naître une Tunisie démocratique et plurielle. Ne voulant pas entrer en conflit avec l’armée, Rached Ghannouchi a préféré s’en prendre à la Haute instance chargée des réformes politiques et de la transition démocratique, présidée par le juriste Yadh Ben Achour. En effet, sous la pression de ses militants qui se radicalisent de plus en plus, le président d’Ennahda a claqué la porte de cette commission qu’il accuse de s’ériger indûment en assemblée législative. « Le bras de fer ne fait que commencer. La situation économique est désastreuse et la grogne dans les régions est manifestement récupérée par les islamistes », met en garde un des anciens opposants de Zine El Abidine Ben Ali. «Aujourd’hui, on se rend compte que c’était une erreur de s’acharner contre les anciennes structures. Cela laisse l’armée en face à face avec les islamistes », estime cet ancien opposant. Ce qui est sûr, c’est que la démonstration de force d’une centaine d’islamistes en plein centre de Tunis contre un film qui traite de laïcité, n’est pas pour apaiser les tensions qui traversent le microcosme politique.
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