Le bras de fer entre le directeur de publication des hebdomadaires casablancais Nichane et Tel Quel et les autorités marocaines continue.
Vendredi dernier vers la fin de l’après-midi, Ahmed Réda Benchemsi, patron de Nichane convoque dans l’urgence le staff de la publication arabophone. Il les informe que leur journal ne paraîtra plus. La rumeur se faisait de plus en plus insistante. Les journalistes sont cueillis à froid. Ils savent que Nichane, malgré ses 22 000 numéros vendus par semaine, est en grande difficulté financière. Cela dit, la surprise est totale. A la sortie de la réunion, Benchemsi se fend d’un communiqué incendiaire dans lequel il s’attaque au « Makhzen » -terme désignant aussi bien la monarchie que la bureaucratie- qui a asphyxié sa publication. Aux journalistes étrangers qui l’appellent pour s’enquérir de la situation, il dit qu’il est victime d’un boycott « honteux » de la part de la holding royale ONA. Le tout serait une conspiration visant à faire rentrer l’impétueux journaliste dans les rangs. En effet, depuis des mois Tel Quel, l’autre publication de Benchemsi, multiplie les maladresses. Les éditos incendiaires sur la monarchie se multiplient et les annonceurs peinent à suivre la ligne éditoriale. « Non par peur ou sur ordre. J’ai limité les budgets consacrés à Tel Quel parce que la publication n’est plus ce qu’elle était. Quand elle transgressait les tabous sociaux, nous l’avions suivie. Quand elle osait parler du salaire du roi et des pratiques de la cour, nous l’avions suivie également. Mais aujourd’hui, Tel Quel ne fait plus que du racolage. Alors nous avons réduit nos budgets », explique le patron d’une centrale d’achat. Certains journalistes de Nichane disent que leur publication a été victime de la fuite en avant de Benchemsi. Celui-ci a frappé d’une pierre deux coups. En arrêtant Nichane, il se débarrasse d’un projet financièrement déficitaire et en même temps fait porter le chapeau au pouvoir. Aujourd’hui, alors que le sort de l’hebdomadaire est définitivement scellé, Ahmed Réda Benchemsi négocie avec son staff de journalistes les conditions matérielles de leur départ.