Les couteaux sont tirés au PJD. Les dirigeants islamistes ont abandonné toute pudeur et se tailladent désormais sans aucune retenue. Et les entailles risquent d’être profondes, douloureuses et surtout incurables. Il y a une quinzaine de jours, la réunion de la commission technique en charge des statuts du parti a ouvert grand les portes à un possible troisième mandat pour Abdelilah Benkirane, ce qui a déclenché l’affrontement final. Les pros Benkirane ont remporté à cette occasion une très large victoire sur le courant des ministres. Ceux-ci étaient venus en force pour convaincre les membres de la commission de tourner définitivement la page de l’ancien chef du gouvernement. Depuis cette défaite, les anti Benkirane ont multiplié les sorties médiatiques pour l’attaquer et l’accuser de vouloir prendre en otage le parti et le gouvernement, en faisant le choix d’un affrontement avec la monarchie, susceptible de porter un grave préjudice au PJD. Malgré son limogeage, l’ancien chef du gouvernement malgré tout conservé une belle popularité parmi les cadres et au sein de la base islamiste. Le week-end dernier, il s’est même permis de reprendre l’initiative devant des élus, tirant sur le courant des ministres et moquant spécialement Mustapha Ramid, accusé d’avoir quitté le navire pendant la campagne électorale de 2011 pour aller en pélérinage.
C’est qu’entre Abdelilah Benkirane et Mustapha Ramid, les relations n’ont jamais été apaisées. Au début des années 2000, l’actuel ministre d’Etat chargé des Droits de l’homme était un franc-tireur dont la tête était exigée par le Palais. A l’inverse, Abdelilah Benkirane recherchait plutôt les faveurs de la monarchie. Aujourd’hui, la donne semble s’être inversée, mais l’affrontement entre les deux hommes se poursuit sous d’autres formes et pour d’autres enjeux. D’ailleurs, Ramid a décidé de rendre coup pour coup. Avec Aziz Rebbah, ils sont passés à l’offensive, alternant les déclarations. Quand le ministre de l’Energie choisit la presse écrite pour demander à Benkirane de s’éclipser, le ministre d’Etat opte lui pour Facebook pour accuser son ancien chef du gouvernement de distiller allégations et affabulations. Une ambiance délétère qui laisse envisager un éclatement du PJD, chose absolument inimaginable il y a encore quelques mois.