Mohamed Jegham, 67 ans, l’une des personnalités politiques tunisiennes les plus respectées, qui fut dans les années 1990 l’un des plus proches collaborateurs du président Zine El Abidine Ben Ali, est aujourd’hui dans la tourmente.
Ejecté du gouvernement et tombé en disgrâce en janvier 2001, il s’était reconverti dans le privé en mai 2005 en rejoignant le groupe d’investissement General Mediterrranean Holding (GMH), propriété du milliardaire britannique d’origine irakienne Nadhmi Auchi. Jegham, qui dirigeait la branche tunisienne de cette holding, et qui était devenu à ce titre directeur général de l’hôtel Royal Hammamet, l’un des fleurons de ce groupe actif dans la banque, la finance, l’immobilier et le tourisme, a été contraint fin mars de remettre sa démission, « au nom de l’intérêt supérieur de l’entreprise ».
La filiale tunisienne de GMH vient en effet d’écoper d’un redressement fiscal record. Le montant n’a pas été rendu public mais une source diplomatique occidentale avance le chiffre de 7 millions de dinars. Audhmi, le milliardaire irakien, venu à Tunis pour comprendre et essayer de négocier, s’est entendu dire par Abdelawaheb Abdallah, le tout-puissant conseiller du président Ben Ali, que l’ardoise était négociable mais qu’il devait au préalable se séparer de Jegham, son bras droit
Jegham et Abdelwaheb Abdallah se détestent cordialement. Ils appartiennent à des bords opposés. Le premier incarnait avec feu Dali Jazi, le camp des colombes, favorable à un dialogue avec l’opposition et à une libéralisation graduelle du régime. Le second, avec Abdelaziz Ben Dhia, passait et passe encore pour le chef de file des « faucons », opposés à toute forme d’ouverture.
Beaucoup, dans le microcosme politique, croient voir derrière cette cabale la main du clan des Trabelsi (la famille de la première dame, Leïla Ben Ali, dont Abdelwaheb Abdallah et son épouse, Alia, sont très proches). Depuis quelques mois, la rumeur d’un possible retour de Jegham au gouvernement circulait dans le marigot. Jegham, grand commis de l’Etat, est natif de Hammam Sousse, comme le président. Il a occupé successivement les postes de ministre du tourisme, de l’Intérieur, de ministre directeur du cabinet présidentiel et de ministre de la Défense. C’est une rumeur, qui le présentait comme le favori des Américains pour succéder à Ben Ali, qui a déjà été à l’origine de sa disgrâce, en 2001. Une chose est sûre, nombreux sont ceux, dans les cercles du pouvoir comme de l’opposition, qui regrettent que le pays se prive d’un pareil serviteur, dont l’intégrité n’est plus à démontrer.