« On a finalement retrouvé Abdelilah Benkirane », avoue un des alliés du PJD au gouvernement. Alors qu’il avait dû déployer des trésors d’énergie et de diplomatie afin de garder la tête du gouvernement, voici qu’il se rappelle au souvenir des Marocains, se livrant à ses saillies habituelles. Que ce soit au Parlement ou lors des réunions de son parti, le chef du gouvernement a retrouvé des relents guerriers, faisant feu de tout bois. Il bombarde, tour à tour, ses cibles habituelles que sont le PAM et l’Istiqlal. Il cajole toutefois malicieusement l’USFP et multiplie les signes de déférence à l’égard de la monarchie. « Benkirane est revenu de loin. Cet été, il avait confié à certains de ses proches qu’il se voyait lui et les siens prier dans les mosquées plutôt que gouverner. Aujourd’hui, il a repris du poil de la bête et passe à l’offensive », commente un observateur de la chose politique à Rabat. En fin politicien, il a donc su laisser la vague retomber et faire ce qu’il sait mieux faire que quiconque : cogner sur ses adversaires. En cela, il est servi par la faiblesse de l’Istiqlal et la passivité tactique du PAM.
Il faut dire que l’Istiqlal de Hamid Chabat, malgré les apparences, demeure fragile. L’homme ne fait pas le consensus autour de lui et ses méthodes dérangent au sein même du parti. De plus, il traîne en boulet la gestion très controversée de la ville de Fès. Pour ce qui est du PAM, l’option Mustapha Bakkoury, basée sur un travail de fond, commence à porter ses fruits, ce qui inquièterait Benkirane . Bien que le secrétaire général du parti soit plus habité aux bilans économiques qu’aux joutes politiques, sa dernière prestation dans une émission de Medi TV a été, selon les observateurs, de très bonne facture et augure d’une montée en gamme de « Bak », comme l’appellent les initiés . En outre, l’homme semble réussir à effectuer la synthèse de cette formation politique qui a toujours été tiraillée entre d’anciens gauchistes et des notables régionaux et à assoir son leadership avec son style fait de persuasion intransigeante mais bienveillante.
Abdelilah Benkirane sait donc qu’il n’a plus un boulevard en face de lui à quelques encablures des élections municipales qui devraient se tenir en 2015. Il compterait ainsi sur les « réalisations » de son gouvernement où certains ministres comme Lhoussine Louardi, Aziz Rebbah ou Lahcen Daoudi auraient un bilan positif , comme sur les erreurs de ses adversaires. Et c’est cela le cœur même de sa stratégie.