Par Mohamed Foulahi
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Vaisseau amiral, ou présenté comme tel, d’une partie du Makhzen, le PAM est en train de prendre l’eau de toutes parts. Son capitaine vient de quitter le navire en pleine tempête, laissant équipage et passagers à la merci des intempéries qui s’abattent avec force sur le parti depuis les élections législatives du 7 octobre dernier. Grand perdant de ce scrutin, malgré les 102 sièges remportés, Ilyas El Omari était en sursis et le savait. Mais le tempérament bagarreur et tenace du Rifain lui permettaient de croire pouvoir échapper à la disgrâce politique.
La première grosse voie d’eau sur le navire aux couleurs du PAM survient le dimanche 18 septembre, à quelques jours du scrutin. Une manifestation « non identifiée » mais portant ostensiblement les marques du Parti authenticité et modernité est organisée à Casablanca. Elle a pour but de dénoncer l’islamisation de l’Etat et la personnalité controversée du chef du gouvernement de l’époque, Abdelilah Benkirane. La marche se transformera en un fiasco retentissant. Peu de participants, mots d’ordre confus malgré l’implication des barons du PAM et de l’appareil du ministère de l’Intérieur. Comme l’échec est orphelin, seul le ministre délégué à l’Intérieur, Cherki Draïss, finira par en payer seul l’addition. A Rabat, on murmure que le Palais est entré dans une grosse colère contre cet ersatz des manifestations égyptiennes contre le président Mohamed Morsi. La marche de Casablanca a sérieusement nui à l’image du royaume et a surtout apporté des voix supplémentaires au PJD à la vielle d’une élection cruciale. « C’est une grossière erreur qui a décrédibilisé Ilyas El Omari et le PAM auprès des plus hauts responsables de l’Etat, mais à moins d’un mois des législatives, il était impossible de changer de capitaine », affirme à Maghreb Intelligence une source bien informée. Déjà à l’époque, plusieurs journaux évoquent le nom d’Aziz Akhannouch comme possible chef du gouvernement si le PAM devait remporter les élections, suscitant une violente réaction de la part de El Omari.
A la suite des résultats du 7 octobre, un grand typhon risquait d’emporter le PAM. Les 102 députés élus ne lui ne servent désormais à rien, le PJD le coiffant sur le poteau avec 125 parlementaires. Ilyas El Omari échoue dans la mission qu’il s’est fixée depuis près d’une dizaine d’années, à savoir balayer les islamistes du champ politique marocain. Rien n’a pu empêcher la déferlante PJD, ni les notables recrutés à tour de bras dans les autres partis politiques, ni le coup de pousse de l’administration et encore moins un très fragile « empire » médiatique rapidement devenu chimérique. Les évènements de la nuit du 8 et du 9 octobre plongeront un peu plus le secrétaire général du PAM dans la tourmente. « Il n’a pas réussi à constituer une coalition post-électorale contre Benkirane, à cause de Hamid Chabat qui a fait défection à la dernière minute », assure un dirigeant istiqlalien. Exit donc le PAM, c’est désormais au tour du richissime Aziz Akhannouch, qui vient de prendre les rênes du RNI, de se charger de bloquer le dérangeant Benkirane.
Commence alors une traversée du désert de sept mois pour Ilyas El Omari qui depuis des années faisait et défaisait les carrières, et se retrouve snobé, délaissé, éloigné, presque humilié du jour au lendemain. Mais l’homme a de la ressource et peut malgré tout encore compter sur quelques soutiens importants. Il navigue à vue en attendant des jours meilleurs et Docteur El Omari fait alors place à Mister Ilyas. Accro à Facebook, il multiplie les posts et son lot de polémiques et de piques, et ne cesse de commenter l’actualité. Une actualité nourrie par les événements dramatiques d’Al Hoceima. La ville et sa région, sous la coupe du PAM depuis les communales de 2015, sont en ébullition depuis fin octobre 2016. Mais lorsque le gouvernement décide de mettre fin aux manifestations et d’arrêter les principaux activistes, l’homme fort du Rif est aux abonnés absents.
Sans se ranger du côté du Hirak, il ne soutient pas franchement l’Etat et nombreux sont ceux qui l’accusent de jouer double jeu. Vers la fin du mois de juin, il finit par tenter une timide initiative de médiation afin de trouver une solution à la crise. Il se fait inviter en prime time à la télévision marocaine pour y exposer ses arguments et surtout dégager sa responsabilité. Les observateurs y voient un énième come-back de « l’insubmersible ». Un retour qui ne sera pourtant que de courte durée, une illusion. La médiation dans le Rif est un échec et l’homme s’empêtre dans ses propres contradictions. Ilyas El Omari n’est pourtant pas au bout de ses peines, puisque une enquête menée par le site d’information Ledesk.ma met en doute le sérieux du projet de la Cité Tanger Tech dont il s’est fait le chantre. Le gouvernement est obligé de monter au créneau pour défendre ce projet lancé avec un groupe privé chinois. Et contrairement à ce qu’affirme partout le président de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, c’est le tycoon de la finance Othmane Benjelloune qui en assume la paternité.
Le coup est rude et le compte à rebours est désormais enclenché. Ce n’est plus une traversée du désert dont on parle, mais bien d’une « désactivation » complète et totale. « Il n’était plus possible ni pour l’Etat ni pour le Palais d’alimenter sur leurs fonds propres un compte toujours déficitaire et à risque. Cela pouvait menacer à terme l’ensemble du système », conclut un ministre très au fait des rouages politiques du royaume.
Et le Makhzen dans tout ça? Comment Akhennouch a-t-il pu sauter à la direction d’un parti dont il n’était qu’un invité d’honneur? et jouer un rôle décisif dans la crise gouvernementale qui avait duré 6 mois? Pour la manif d’Azeroual c’était l’intérieur mais pour le blocage qui faut-il incriminer?