La ville de Marrakech tient enfin son héros…politique. Avec Mohamed Louafa, ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé des Affaires générales, les Marrakchis tiennent leur revanche. Depuis le départ à la retraite de Si M’hamed Boucetta il y a une quinzaine d’années, la ville qui a donné à la vie politique marocaine de « nombreuses stars » se sent ragaillardie. C’est que Mohamed Louafa est devenu une véritable attraction dans la vie politique du royaume. Avec ses saillies, ses boutades et ses sorties à l’emporte-pièce -pourtant très appréciées- Louafa a vite fait de l’ombre au secrétaire général de l’Istiqlal -qui l’a expulsé du parti- et même à son chef Abdelilah Benkirane, pourtant excellent orateur lui aussi. Mohamed Louafa a faim et cela se voit et cela s’entend surtout. A chacune de ses interventions publiques, il fait la Une des journaux et les sites Internet raffolent de ses déclarations. Mais le « marrakchi » n’a pas seulement le sens de la répartie, il maîtrise également son sujet. Il y a un mois, il engage un bras de fer « gagnant » avec le haut commissaire au plan, Ahmed Lahlimi, qu’il accuse de faire de la politique et non pas de la statistique. Ensuite, il se permet de recadrer les boulangers et se permet même de les menacer si jamais ils venaient à augmenter les prix du pain. L’homme prend de plus en plus de l’assurance et devient progressivement la « voix économique » du gouvernement. Il supplante tous les autres ministres et la fonction semble lui aller comme un gant. Car Mohamed Louafa est un économiste, qui non seulement peut se targuer d’avoir des diplômes, mais d’avoir géré pendant près d’une décennie l’une des plus grandes villes du royaume.
Le jeune homme issu d’une famille modeste de la médina de Marrakech, sort de l’ombre en épousant Aouatif El Fassi -la fille du fondateur de l’Istiqlal Allal El Fassi. Dans la foulée, il est élu secrétaire général de la Jeunesse du parti. En 1977, il remporte un siège de député dans sa ville natale. En 1983, il devient maire de Marrakech. D’après plusieurs témoins, Hassan II qui séjournait fréquemment dans la ville ocre l’appréciait et lui pronostiquait un brillant avenir. M’hamed Boucetta voyait en lui un potentiel successeur à la tête de l’Istiqlal, surtout pour barrer la route à M’hamed Douiri. Mais avec le gouvernement d’alternance et l’animosité que nourrissait l’ancien ministre de l’Intérieur, Driss Basri à l’Istiqlal de Boucetta, le prometteur politicien disparaît des radars.
Pendant 11 ans, il va être ambassadeur en Inde, en Iran et puis au Brésil. Le palais semble content de ses passages. Dans le premier gouvernement Benkirane, il hérite du ministère de l’Education nationale où il s’applique à démonter l’échafaudage mis en place par ses prédécesseurs. Le style du nouveau ministre détonne et il s’impose doucement. Il retrouve de l’ambition et se voit déjà à la tête de l’Istiqlal. Un vieux rêve qu’il caressait, mais que la famille El Fassi, à laquelle il est pourtant lié, ainsi que certains cercles du pouvoir lui avaient enlevé. Il revient, pour un moment, comme un sérieux prétendant lors du 16ème congrès du parti, mais il est vite lâché par Abbas El Fassi qui lui préfère son gendre taciturne Abdelouahed El Fassi, moins charismatique et surtout moins politisé.
Le discours du roi du 20 août 2013 sur l’état désastreux de l’éducation nationale semble sonner le glas pour Mohamed Louafa. La plus haute autorité de l’Etat vient de le désavouer. C’est sans connaître les ressources de ce redoutable tacticien. Au lendemain du cinglant désaveu royal, il agite ciel et terre pour faire entendre sa voix à tout le monde. Il a sa propre version de la décrépitude du secteur et il tient à la faire connaître. Sa reconduction in extremis dans le deuxième gouvernement de Benkirane, prouve qu’il a réussi.
Aujourd’hui sa pugnacité et son sens de la polémique attirent l’attention. Certains pensent même qu’il aurait fait un meilleur challenger à Benkirane que ne l’est Hamid Chabat, dont l’effet de mode semble faire « psshiiit » telle une baudruche remplie de vent. Alors Mohamed Louafa pourra-t-il constituer à terme un rempart plus efficace face aux islamistes du PJD ou bien se contentera-t-il du rôle de soutien efficace à Abdelilah Benkirane ? Seules les élections communales de 2015 pourraient apporter une réponse.
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