Le cœur du dispositif auquel incombait l’organisation du 1er référendum du règne du roi Mohammed VI se trouvait dans l’ancienne Villa d’Hubert Lyautey sur les hauteurs du quartier Hassan de Rabat. Là, dans les bureaux spacieux du secrétaire d’Etat à l’Intérieur, un staff de walis et de gouverneurs rodés à ce genre d’exercice depuis l’époque de Driss Basri-ancien ministre d’Etat à l’Intérieur du temps de Hassan II – se sont activés chaque jour jusqu’à des heures tardives. Saâd Hassar, dont il se murmure qu’il aurait fini par prendre le dessus sur le ministre de l’Intérieur, Moulay Taïeb Charkaoui, jouait sa carrière et la poursuite de son ambition -affichée- de futur « Patron » du Ministère de l’intérieur. D’ailleurs, ni Saâd Hassar ni ses collaborateurs n’ont ménagé leurs efforts afin d’être à la hauteur de cette tâche. Signe avant-coureur de la nervosité qui s’est emparée de cette équipe, le soir du discours royal annonçant la date du référendum, un dîner a été organisé chez le ministre en charge des relations avec le parlement, Driss Lachgar, en présence de certains leaders socialistes, mais également d’un conseiller de Saâd Hassar. Quelques jours avant le référendum, un autre dîner a réuni cette fois-ci à Casablanca, le président de la fédération des éditeurs, le secrétaire général de la SNPM, quelques journalistes ainsi qu’un autre conseiller du secrétaire d’Etat à l’intérieur. Il faut dire que le neveu du général Housni Benslimane est sur tous les fronts et mobilise tous les moyens de son ministère pour être au rendez-vous. Sa première préoccupation était donc de mobiliser toute la presse marocaine, mais également la majorité des partis en faveur du « projet royal ». Du côté des partis politiques, l’affaire est entendue. Hormis, le quarteron des partis d’extrême gauche qui ont l’habitude de boycotter les référendums, la quasi-majorité de la classe politique a appelé à voter « Oui » en faveur de la nouvelle Constitution. En revanche, la presse a été plus délicate à gérer. Les jeunes du 20 février ont démontré tout le long de ces mois de protestations une véritable capacité à occuper le terrain informationnel. Les jeunes ont leurs entrées aussi bien dans les médias internationaux que dans une certaine presse locale, notamment du côté des sites web. Une semaine avant le vote, la machine de Saâd Hassar se met en branle. Il ne faut surtout pas laisser le 20 février occuper seul le terrain. Des manifestations, plus ou moins spontanées, sont organisées dès le dimanche 26 juin. Des milliers de pro-constitution envahissent les places des grandes villes brandissant des drapeaux et portraits, et scandant leur haine du Mouvement protestataire. Les figures de proue du 20 février sont molestées, voire pourchassé par les pro-constitution. Si l’exercice ne fait pas vraiment dans la finesse, il permet aux autorités marocaines de se positionner en arbitre entre deux courants rivaux qui descendent dans la rue et pousse les jeunes du Mouvement du 20 février dans leurs derniers retranchements. La nervosité augmente avec l’approche du 1er juillet, date du référendum. Mais, au ministère de l’Intérieur, l’on garde un calme olympien. Le taux de participation devrait être élevé, selon les sondages menés par ce département. 7 millions de Marocains en âge de voter ne figurent pas sur les listes électorales. Finalement, sur les 13 millions électeurs, 73 % se sont déplacés afin d’accomplir leur devoir national. « Ce n’est pas surprenant, la majorité des partis, des syndicats et des ONG ont appelé à voter. Les gens se sont mobilisés parce que cela fait 4 mois que l’on parle de ce référendum comme le moment fondateur de la politique marocaine », explique un membre du Bureau politique de l’USFP. Mais, c’est dans les rangs du Mouvement du 20 février que le doute s’est installé. Le soir, alors que les résultats définitifs du taux de participations sont donnés par le ministre de l’Intérieur, les jeunes sont incrédules. Les divergences apparaissent. Les Uns appellent à accepter le référendum, mais d’appeler à continuer le combat pour une monarchie parlementaire. D’autres, veulent en découdre avec les « corrompus » et visent les prochaines élections législatives. Enfin, un troisième groupe ne veut rien entendre. Pour eux, le Makhzen a falsifié le référendum. Ils appellent à sortir dans la rue pour signifier leur refus. « Face à l’essoufflement du mouvement, ce sont les radicaux d’Al Adl Wa Al Ihssane et d’Annahj Addimocrati qui vont se retrouver seuls face aux autres composantes de la scène politique. Le risque d’une marginalisation va être alors très grand », affirme mi-songeur mi-résigné un des premiers jeunes à avoir appelé à manifester.
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