Par Mohamed Foulahi
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Maghreb Intelligence vous l’annonçait avec un peu d’avance le 9 novembre dernier, le seul et unique but de la visite surprise et éclair du président français Emmanuel Macron la semaine dernière en Arabie Saoudite était d’obtenir la « libération » du premier ministre libanais démissionnaire, Saad Hariri. Mercredi en début de soirée, un communiqué de l’Elysée annonçait que le président français « invitait » Saad Hariri et sa famille « pour quelques jours en France », dans un « geste d’amitié », alors que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, était attendu dans la soirée à Riyad. Une invitation à laquelle Saad Hariri a répondu favorablement, « la date de sa venue lui appartient » a précisé jeudi le chef de la diplomatie française. Il aura donc fallu attendre douze jours pour que le sort du premier ministre démissionnaire, retenu en Arabie Saoudite, soit tranché. Et c’est le président français qui a pu obtenir un début de solution au mélodrame géostratégique digne des plus mauvais nanars hollywoodiens.
Trois hommes ont joué ce mercredi 15 novembre une partition inédite et très délicate. Le premier à allumer la mèche a été le président de la république libanaise, Michel Aoun, en musclant ses propos. L’ancien général maronite connu pour ses attaches françaises, il y a été en exil pendant une dizaine d’années, fait savoir officiellement que son pays considérait désormais que Saad Hariri était « retenu ou emprisonné », et que cela constituait une « action hostile » envers le Liban et contre son premier ministre qui dispose de l’immunité diplomatique, selon les accords de Vienne. La menace de recourir aux Nations unies et aux instances internationales est à peine voilée. Si Beyrouth décidait de mener une campagne internationale contre Riyad, il aurait facilement gain de cause et la « puissante Arabie et son homme fort » passeront illico presto pour un Etat voyou. Le message est on ne peut plus clair et les autorités saoudiennes l’ont reçu cinq sur cinq.
Après la sortie de Michel Aoun, c’est le frère aîné des Hariri qui par un tweet affirme soutenir la démission de son frère. Dans la foulée, il tire une salve violente contre l’Iran et le Hezbollah. Celui qui est pressenti pour reprendre le leadership du camp sunnite au Liban rassure ainsi Riyad. Cette fois-ci, le message est également clair : « les pendules du camp sunnite libanais seraient toujours réglées sur l’horloge saoudienne ».
Et c’est là que la France fait son entrée. Emmanuel Macron annonce qu’il invite Saad Hariri et sa famille en France. Il envoie sur le champ son ministre des Affaires étrangères à Riyad pour s’entretenir avec le premier ministre démissionnaire. « Il ne s’agit pas d’un exil, mais d’un séjour de quelques jours », affirme le président français.
Selon des sources bien informées à Beyrouth, l’Elysée a multiplié les pressions sur le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane. Lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron à Riyad, Mohammed Ben Salmane a argué du fait que Saad Hariri était un citoyen saoudien impliqué dans plusieurs affaires de détournement et de corruption. Le président français a rétorqué qu’il était inimaginable et hors de question qu’un Etat puisse retenir l’un des hauts responsables d’un autre Etat. Selon nos sources, sans être tout à fait tendu, l’échange ne fût pas non plus d’une grande cordialité. L’Elysée fait appel à la Maison Blanche, mais les Américains soucieux de ménager leur allié saoudien, traînent les pieds, pour finir par montrer leur agacement à l’endroit de Mohammed Ben Salmane.
En fin de compte, une solution est trouvée. Saad Hariri va s’installer en France, il y laissera sa famille et pourra se rendre au Liban, pour officialiser auprès du président libanais sa démission au poste de premier ministre . Son frère aîné, soutenu par les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, devrait selon toutes vraisemblances prendre les rênes du Mouvement Al Moustaqbal, ce qui lui permettrait de briguer la primature. Cette sortie de crise est probablement une belle victoire diplomatique pour Emmanuel Macron, mais elle reste fragile, car il s’agit probablement du début d’une longue impasse.