Par Ilyas Aribi
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En France, une belle et émouvante mobilisation est mise en place au sein des élites françaises pour défendre la cause de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal incarcéré en Algérie depuis le 16 novembre dernier par les autorités algériennes dans le sillage d’un scandale terrifiant de violation de la liberté d’expression. Artistes, politiques, journalistes ou élus, la mobilisation au sein de l’establishment français en faveur de Boualem Sansal prend une ampleur inédite et perturbe énormément les dirigeants du Régime Algérien soumis à de très vives critiques et à des diatribes d’une virulence très intense.
Mais force est de constater que Boualem Sansal n’est guère le seul franco-algérien qui croupit dans les geôles algériennes. Plusieurs autres artistes ou activistes pacifiques ayant uniquement fait usage de leur liberté d’expression ont été emprisonnés par les autorités algériennes sans susciter la moindre émotion ou indignation en France. Pour preuve, aucun média ou politique en France n’a parlé du sort alarmant de Hocine Redjala, réalisateur franco-algérien, qui est bloqué en Algérie depuis août 2023 après la confiscation de son passeport à l’aéroport d’Alger. En effet, ce cinéaste-réalisateur résidant en France est bloqué sur le sol algérien depuis plusieurs mois et empêché de rentrer chez lui en France, où il a laissé ses deux enfants. Les services de gendarmerie lui ont confisqué son passeport après son arrivée à l’aéroport d’Alger en août 2023. Huit mois se sont écoulés et Hocine Redjala n’a toujours pas pu récupérer son passeport.
De son côté, le professeur de danse franco-algérien Omar Aït Yahia, connu sous le nom Assalas, est incarcéré à la prison de Tizi Ouzou depuis le 21 avril 2024. Il a été arrêté quelques jours après son arrivée de France pour un séjour dans le village Aghrib à Tizi Ouzou. A la suite de sa présentation, le 21 avril, le juge d’instruction a décidé de le placer en détention provisoire pour « appartenance à une organisation terroriste », en vertu de l’article 87 bis du code pénal qui assimile au « terrorisme » toute activité politique critique et contestataire à l’égard du Pouvoir Algérien. Le tribunal d’Azazga, wilaya de Tizi Ouzou, l’a condamné, le 18 août, à 18 mois de prison ferme. Assalas, professeur de danse kabyle et mannequin, réside en France. Il est activement engagé dans la promotion de la culture amazighe sur le territoire français .
Aucune autorité en France ne parle aussi du sinistre sort de l’activiste franco-algérienne Djamila Bentouis a été condamnée par le tribunal criminel de Dar El-Beida à Alger à deux ans de prison ferme et une amende de 100 000 dinars, le 27 juin 2024. Âgée de 60 ans et mère de trois enfants, Bentouis est poursuivie pour « atteinte à l’unité nationale » et « attroupement non armé » à cause d’une chanson engagée qu’elle a écrite et interprétée pendant le Hirak dans laquelle elle dénonçait la répression et l’incarcération des activistes du Hirak.
Elle a été arrêtée à son entrée en Algérie pour assister à l’enterrement de sa mère. Elle a été placée en détention, le 3 mars 2024. Le 26 mai 2024, la chambre d’accusation près la Cour d’Alger a requalifié les faits qui lui sont reprochés et transféré son affaire devant la section correctionnelle. Elle a abandonné les charges criminelles d’appartenance à une organisation terroriste en vertu de l’article 87 bis du code pénal, et maintenue les délits d’atteinte à l’unité nationale et d’incitation à l’attroupement.
Ces exemples sont des cas concrets, mais loin d’être suffisamment représentatifs de l’ampleur de la répression dont sont victimes plusieurs franco-algériens en Algérie. Une répression guidée par des considérations autoritaires afin de punir des engagements démocratiques, civiques ou purement politiques jugés hostiles au régime algérien. Et pourtant, aucune mobilisation n’a vu le jour en France pour réclamer la libération ou la défense de ces franco-algériens aussi persécutés, mais beaucoup moins médiatisés, que l’écrivain Boualem Sansal.