Par Maghreb Intelligence
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Le 19 décembre dernier, à Alger, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a reçu officiellement un hôte prestigieux considéré à la fois comme l’un des personnages les plus influents et les plus sulfureux du Sahel. Il s’agit de l’imam de la Confrérie Kountiya de la République du Mali, Mahmoud Dicko.Lors de cette rencontre, l’imam de la Confrérie Kountiya a exprimé ouvertement sa « fierté d’être en Algérie, le pays des martyrs et des hommes libres, et de sa rencontre avec le président de la République », avant d’adressé également ses remerciements pour « l’accueil chaleureux et la généreuse hospitalité ».
Dans une autre déclaration, à l’issue de sa rencontre avec le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, l’imam Dicko a souligné également que l’Algérie et le Mali, « ne sont pas seulement des voisins, mais plutôt un seul pays, et une partie indivisible », exprimant ses remerciements à l’Algérie, qui « a été aux côtés du Mali, dans toutes les étapes et les crises qu’elle a traversées ». Cette initiative algérienne d’accueillir ce personnage religieux qui compte énormément au Mali a rapidement défrayé la chronique suscitant dès le lendemain la colère de Bamako où la junte militaire a fait convoquer l’ambassadeur algérien en guise de protestation faisant valoir des « gestes inamicaux » de la part des autorités algériennes en déroulant le tapis rouge à une figure de l’opposition contre l’actuel pouvoir de transition au Mali.
Liimam Dicko était déjà le leader d’un mouvement de contestation qui a précédé le renversement du président civil Ibrahim Boubacar Keïta par les militaires en 2020. Mais depuis la prise de pouvoir par les militaires, il a ouvertement exprimé ses désaccords avec le gouvernement provisoire. Il est l’un des rares acteurs politiques capables de mobiliser dans un contexte de restriction des libertés sous le régime militaire, qui a fait emprisonner plusieurs opposants. La Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Dicko (CMAS) cherche depuis septembre/octobre 2023 de lancer des contestations populaires afin de changer la nature de l’actuel régime malien. L’imam Dicko s’est opposé ouvertement au référendum sur une nouvelle Constitution en juin dernier. Au retour d’un conférence en Mauritanie, le 22 juin, il s’est fait retirer son passeport à l’aéroport de Bamako. Un membre des services de sécurité s’exprimant sous le couvert de l’anonymat a invoqué des « erreurs techniques » dans le passeport. En s’affichant chaleureusement avec l’Imam Dicko, le régime algérien donne l’impression qu’il veut soutenir ou parrainer l’opposition malienne ce qui ne manque pas de susciter de très vives tensions avec les militaires putschistes.
Selon nos sources, la venue à Alger de l’imam Mahmoud Dicko est une opération qui a été entièrement pensée et élaborée par la Direction de la Documentation et de la Sécurité Extérieure (DDSE), le renseignement extérieur algérien, dirigé par le général-major Djebbar M’henna. C’est ce dernier qui exerce un intense lobbying auprès de la Présidence algérienne pour qu’elle se tourne davantage vers les figures de l’opposition à la junte malienne afin de renforcer les liens avec ces mouvements qui peuvent imposer prochainement un changement de gouvernance de cet important pays du Sahel à la junte au pouvoir. Ce travail initié par la DDSE algérienne intervient dans un contexte de malentendus et d’incompréhension avec la junte malienne qui depuis la deuxième moitié de l’année 2023 nargue ouvertement les propositions algériennes et refuse d’accorder à l’Algérie un rôle prépondérant, comme cela fut le cas dans le passé avec les précédents régimes maliens, dans la résolution des conflits internes au sein du Mali. Cette nouvelle configuration très souverainiste des militaires maliens fait peur à Alger et les dirigeants algériens craignent que les militaires maliens ne rejettent définitivement leurs intérêts de cette région névralgique du Sahel. En guise de riposte, les services algériens ont mené l’opération Dicko pour envoyer un message clair aux militaires maliens : l’Algérie n’accepte pas d’être mise à l’écart de sa sphère d’influence malienne.