« Cela leur est resté en travers de la gorge », explique un ancien ambassadeur français au Maghreb. Le « Cela » renvoie à la tribune intitulée « Un printemps en hiver » que l’écrivain franco-marocain- lauréat du prix Goncourt- Tahar Benjelloun a publié le 23 janvier dans le quotidien « le Monde », et dans laquelle il rendait hommage à la révolution tunisienne qui promettait de se propager en Egypte, en Libye et en Algérie où de violents affrontements avaient eu lieu fin décembre 2010.
Ce billet – contribution normale, selon le diplomate, de la part d’un intellectuel engagé dans le débat public – avait fortement mécontenté certaines sphères du pouvoir algérien. L’ambassadeur algérien Missoum Sbih a ainsi multiplié les contacts, cherchant à riposter. D’après une source bien informée à Paris, depuis la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, Alger multiplie les interventions et fait bouger ses réseaux afin que le royaume du Maroc soit plus souvent cité que la république algérienne dans les médias français quand il s’agit de faire des comparaisons avec la situation de la Tunisie et de l’Egypte. Les réseaux algériens ont pu ainsi distiller quelques informations dans France 24 ou encore RFI. Cela dit, il fallait gommer l’effet Tahar Benjelloun et marquer un grand coup à travers un quotidien « crédible ». Les « amis » de Missoum Sbih ont ainsi commencé par approcher le quotidien « Le Figaro » qui serait resté sourd à leurs doléances. Ils ont alors jeté leur dévolu sur « Le Monde », avec lequel certaines passerelles existent depuis les années 70, les algériens ayant toujours entretenu, selon le diplomate français, de solides relations au sein de la rédaction du quotidien du soir, depuis le temps où il était dirigé par Paul Balta, un proche du colonel Boumedienne. Il fallait alors trouver une « plume », ou plus simplement, un porte-plume. Les regards de l’ambassade se sont tout d’abord dirigés vers de gros calibres comme le professeur Lhouari Addi pour leur demander de rédiger un papier. Peine perdue, car le professeur de sciences politiques est connu pour ses positions à l’encontre du gouvernement algérien. Dans la précipitation, et sous la « pression amicale » de l’ambassade algérienne, « Le Monde » a ouvert ses pages à un certain Karim Boudjema, chirurgien renommé pour ses greffes du foie, mais dont l’impact intellectuel et politique reste circonscrit à la Bretagne, où il eu une expérience politique malheureuse sous la bannière de l’UMP, lorsqu’il tenta de succéder à Edmond Hervé en tant que maire de Rennes en 2008.Battu à plate couture, l’homme avait même démissionné de tous ses mandats électifs. Peu importe, il fallait parer au plus pressé, la fenêtre du Monde risquant de fermer à tout moment en raison de l’actualité égyptienne et peut-être algérienne. La Tribune signée par Karim Boudjema -qui a su garder de solides amitiés à Alger, et notamment au « club des pins » – est une charge frontale contre le Maroc, alors que, notent les observateurs, c’est précisément en Algérie que le risque d’embrasement est le plus à craindre. Une erreur déontologique qui s’ajoute à celle commise il y a deux mois par « Le Monde », refusant alors de publier les câbles de WikiLeaks sur la corruption du régime d’Omar Bongo et son financement présumé de la classe politique française…
- 05:28 Nouakchott
- 06:28 Rabat
- 06:28 Alger
- 06:28 Tunis
- 07:28 Tripoli