Par Ilyas Aribi
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Le constructeur chinois de poids lourds Shacman est un fabricant et vendeur de camions à benne basculante, de camions tracteurs et d’autres véhicules lourds et fabrique aussi une large gamme de produits, y compris des véhicules militaires tout-terrain, des camions lourds, des camions moyens et légers. En Algérie, ce groupe chinois était jusqu’en 2019, date à laquelle le pays sombre dans une inédite crise d’instabilité politique, l’un des leaders incontestés des poids lourds. En 2018, le chnois Shacman considérait même l’Algérie comme son marché le plus stratégique à l’échelle mondiale, puisque 40.000 poids lourds y ont été vendus à travers le pays depuis 2007, soit 80% de part de marché des camions en Algérie.
Jusqu’en 2019, le fabricant chinois Shacman était lié en Algérie au groupe privé Mazouz-Trade (GM-Trade), appartenant au milliardaire Ahmed Mazouz, l’un des anciens oligarques les plus richissimes de l’époque Bouteflika. Placé en détention dès juillet 2019 et condamné à de nombreuses peines de prison dont une peine de 12 longues années de prison ferme en février 2023, le groupe Mazouz s’effondre comme un château de sable et son empire a été démantelé par le Régime d’Abdelmadjid Tebboune comme de nombreux autres groupes privés ayant appartenu à des oligarques prospères de l’époque d’Abdelaziz Bouteflika. Le groupe chinois Shacman se retrouve ainsi orphelin et privé du stratégique marché algérien qui a été totalement déstructuré par la politique brutale menée par le Régime Tebboune contre les plus importants hommes d’affaires du pays.
Mais comme le fabricant chinois d’autobus et de camions est incontournable dans son segment, c’est l’Institution militaire algérienne qui a décidé de récupérer ses intérêts en Algérie et de s’associer avec lui pour relancer des projets de commercialisation de ses véhicules lourds ainsi que ses activités de montage et d’assemblage que le groupe Chinois avait lancé en 2018 dans le cadre d’une joint-venture avec son partenaire algérien, le groupe Mazouz-Trade (GM-Trade). A l’époque, l’usine d’assemblage de Shacman était située à Sétif à l’est du pays et elle devait commencer à produire annuellement jusqu’à 3.000 camions poids lourds conformes aux normes internationales. Ces modèles de dernière génération seront destinés aussi bien au marché local qu’à l’étranger. Comme toutes les autres ambitieuses usines de montage des véhicules, l’usine Shacman a été fermée et le projet est mort-né.
En 2023, les espoirs d’une relance du groupe chinois Shacman en Algérie réapparaissent grâce à une reprise en main de ses activités industrielles et commerciales par la direction de fabrication militaire (DFM) qui relève du ministère de la Défense Nationale. Celle-ci gère Société algérienne d’industrie des véhicules de marque Mercedes Benz (SAFAV-MB) et depuis 2021, ce département de l’Armée algérienne a repris également le contrôle de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI), l’opérateur public le plus important de production de véhicules lourds et de bus en Algérie qui détient notamment 34 % des parts de la société Renault Algérie.
Dépassée par toutes ses responsabilités et incapable de développer tous les projets industriels automobiles qui lui ont été confiés, l’institution militaire algérienne décide dans la plus grande discrétion d’abandonner son projet avec le fabricant chinois Shacman. Il fallait donc concéder l’exclusivité de la représentation de cet important groupe chinois à un autre investisseur et opérateur privé pour décharger l’institution militaire algérienne de cette responsabilité. Et c’est à ce moment-là qu’un controversé et sulfureux homme d’affaires est intervenu pour négocier la rétrocession des activités de Shacman en Algérie à un nouvel opérateur privé. Cet homme d’affaires est un certain Bouterfas Aziz, un millionnaire originaire de la wilaya de Tipaza qui est devenu ces 4 dernières années l’un des intermédiaires attitrés du ministère de la Défense Nationale dans plusieurs transactions financières gérées dans la plus grande opacité.
Réputé pour ses connexions et sa proximité avec Saïd Chengriha, le puissant Chef d’Etat-Major de l’Armée algérienne, Bouterfas Aziz est devenu incontournable pour tout investisseur ou acteur économique qui veut traiter avec l’Armée algérienne. C’est d’ailleurs lui qui va trouver un partenaire privé pour reprendre le projet de développement de Shacman en Algérie. Il s’agit du groupe privé Cargo Connect qui est devenu depuis juillet 2024 le distributeur exclusif de la marque Shacman en Algérie. Derrière ce groupe, nous retrouvons un influent milliardaire algérien qui fait des pieds et des mains pour demeurer dans l’anonymat. Mais pour s’arracher le privilège de devenir le nouveau partenaire des chinois de Shacman en Algérie à la place du ministère de la Défense Nationale, il a été contraint de sortir son chéquier pour remettre une commission de 1,5 million d’euros. Une opération qui a été négociée sous l’égide du fameux Bouterfas Aziz.