Même si la victoire du PJD aux élections législatives marocaines du 25 novembre est très nette, elle n’en demeure pas moins assez fragile. Alors que dans l’euphorie de sa large victoire, le secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, qui vient d’être désigné par Mohammed VI au poste de chef du gouvernement, avait prestement invité la Koutla-alliance composée de l’Istiqlal, l’USFP et le PPS- à rejoindre un éventuel gouvernement dirigé par son parti, il semble aujourd’hui vouloir faire marche arrière.[onlypaid] En effet, plusieurs dirigeants islamistes ont mis en garde Benkirane contre toute alliance avec les socialistes. Ils ont toujours en travers de la gorge comment Driss Lahgar, membre du bureau politique de l’USFP et ministre sortant des relations avec le Parlement, les avaient instrumentalisés lors des élections communales de 2009. Alors que dans un premier temps, il avait appelé à une alliance dans toutes les villes entre le PJD et l’USFP, il a suffi qu’il soit appelé au gouvernement pour qu’il tourne casaque. L’Autre motif de la prudence affichée par Benkirane envers les socialistes, ce sont les divergences doctrinales et idéologiques. Les deux partis sont aux antipodes l’un de l’autre en ce qui concerne la vision qu’ils ont de la société. Ils se sont souvent violemment opposés sur des sujets très sensibles comme la place de la femme dans la société, la laïcité ou encore le code pénal.
D’après des sources proches de la direction du PJD, Abdelilah Benkirane essaie de constituer une majorité sans qu’il ait besoin de recourir à l’USFP et au PPS. C’est pourquoi, il a appelé personnellement au téléphone Mohand Laenser, secrétaire général du Mouvement populaire, parti laminé lors des élections du 25 novembre. Le patron des islamistes et nouveau chef du gouvernement sait pertinemment que le Mouvement populaire, dans l’état actuel des choses, sera moins exigeant et plus commode. En outre, surfant sur la vague de la victoire, le dirigeant islamiste tente de « soudoyer » une partie du RNI, autre grand perdant de ces élections. Benkirane est déjà en contact avec Aziz Akhennouch, ministre de l’Agriculture sortant et figure de proue du RNI. Le secrétaire général du PJD comprend la nature de ces deux partis : le MP et le RNI. Il est conscient qu’ils ne peuvent pas survivre dans l’opposition, parce qu’ils se composent essentiellement de notables, particulièrement sensibles aux sirènes du pouvoir.
D’ailleurs, le PJD a déjà informé l’Istiqlal, composante essentielle de la Koutla, de son désir d’exclure la gauche de son gouvernement. La réponse de l’Istiqlal ne s’est pas fait attendre. « Soit tous les partis de la Koutla rentrent au gouvernement, soit ils seront tous dans l’opposition », déclare Adil Benhamza, nouveau député de l’Istiqlal et chroniqueur à Al Alam, le quotidien arabophone du parti. Il faut donc s’attendre à ce que le PJD souffre pour la constitution de son gouvernement. « Ils ont en face d’eux des partis politiques rompus à la négociation et aux affaires de l’Etat. Aussi bien l’Istiqlal que l’USFP sont de redoutables alliés comme ils peuvent être de terribles adversaires », reconnaît un proche de Benkirane. Les islamistes risquent de déchanter rapidement. [/onlypaid]