Par Ilyes Aribi
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En Algérie, il s’agit de l’un des projets politiques les plus ambitieux de l’ère Abdelmadjid Tebboune. Depuis le printemps 2022, les autorités algériennes travaillent sur l’élaboration d’une nouvelle loi sur la « concorde civile » qui est censée prolonger et donner une nouvelle épaisseur à l’ancienne loi de « grâce amnistiante » qui avait été soumise par le défunt président Abdelaziz Bouteflika avec l’assentiment de l’armée au parlement algérien, qui l’adopte le 8 juillet 1999.
En prévision d’un éventuel mandat présidentiel, Abdelmadjid Tebboune a souhaité s’emparer de ce projet de la concorde civile pour offrir une nouvelle amnistie aux opposants et ex-membres du régime Bouteflika qui ont été accablés et condamnés sévèrement à la prison ferme par la Justice algérienne depuis 2019.
L’objectif de Tebboune était de s’offrir un véritable prestige en s’imposant comme le père rassembleur de la nation qui veut restaurer la stabilité du pays avant la fin de son premier mandat présidentiel. Mais les textes d’application qui devaient déterminer la vocation de cette nouvelle loi sur la concorde civile n’ont pas pu être élaborés dans les délais impartis et cette loi n’a pas pu voir le jour alors qu’elle était prévu, une première fois, pour le 5 juillet 2022, date du soixantenaire de l’Indépendance du pays, et une deuxième fois le 1er novembre 2022, encore une autre date historique symbolique pour l’Algérie.
Au final, ce projet de loi apportant une extension à la concorde civile imaginée et concrétisée par le défunt Abdelaziz Bouteflika n’a pas été bouclé en raison, a-t-on pu confirmer auprès de nos sources, de plusieurs divisions minant de l’intérieur le pouvoir algérien. Abdelmadjid Tebboune et son entourage le plus proche ont refusé dans un premier temps d’inclure sur la liste des personnalités éligibles aux dispositions de cette nouvelle loi amnistiante plusieurs opposants établis ou exilés à l’étranger.
Les listes préparées et suggérées par les services secrets algériens à la Présidence algérienne n’ont pas suscité le consensus et un véto a été opposé à plusieurs noms jugés gênants et indésirables par Tebboune ou ses conseillers. Des réunions fleuves ont été organisées au plus haut sommet de l’Etat algérien pour trancher sur ces divergences. Mais, pour l’heure, aucune feuille de route définitive n’a été arrêtée et la nouvelle version de la loi sur la Concorde Civile risque d’être reportée jusqu’à 2023.
D’autres sources bien informées à Alger n’hésitent pas à spéculer sur la mort quasiment annoncée de ce projet de loi étant donné que Tebboune risque de juger qu’il n’est pas nécessaire finalement pour ses ambitions présidentielles. C’est dire que ce projet de « rahma » suscite désormais une gêne et un malaise ambiant au sein du régime algérien.
Rappelons enfin que la première loi sur la concorde civile imaginée par Bouteflika visait au début à réintégrer dans la vie civile ceux qui ont manifesté leur volonté de renoncer à la violence armée et à amnistier ceux qui ont été impliqués dans les réseaux de soutien aux groupes terroristes durant la tragédie nationale de la décennie noire. Ce projet de loi pour « la Concorde civile » avait été plébiscité par voie référendaire à 90 % de votants, le 16 septembre 1999.
Le 15 août 2005, le président Bouteflika avait annoncé un nouveau référendum sur la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » six ans après l’adoption de la loi sur la « Concorde civile » qui prévoyait déjà l’abandon définitive des poursuites judiciaires contre les islamistes qui déposeraient les armes et qui sont non coupables de crimes de sang, de viols et d’attentats à l’explosif dans les lieux publics.