« La machine à souiller est en branle et tous les moyens sont mis à son service pour atteindre son objectif : affaiblir le royaume du Maroc en le salissant », affirme à Maghreb-intelligence un ancien ambassadeur français à Rabat, aujourd’hui à la retraite.
Et le procédé semble très rodé comme du papier à musique. Alterner des enquêtes non corroborées d’ONG, présumées indépendantes, publier des dossiers de presse et de reportages soi-disant objectifs dans des média prétendus neutres, organiser des cabales sur les réseaux sociaux et enfin tenter le « containment diplomatique ».
Pour la DGSE, dirigée depuis bientôt six ans par Bernard Emié, l’essor du Maroc qui ressemble « étrangement » à celui de la Turquie est désormais inquiétant pour Paris. Cela lui rappelle d’amers souvenirs quand il a été ambassadeur à Ankara entre 2007 et 2011 et où à la montée en puissance des héritiers de l’empire Ottoman.
Pour Bernard Emié, le « traumatisme » d’un pays qui « ose » défier économiquement, culturellement, militairement et surtout sur le plan diplomatique la France refait surface.
Mohammed VI insondable pour Paris
Selon des sources bien informées de Maghreb-intelligence, l’inimitié de la DGSE envers le Maroc ne date pas de ces dernières années. Elle remonte au début des années 2000 et le changement de règne à Rabat. « A la Piscine, on ne connaît pas très bien le nouveau monarque ni ses choix économiques et diplomatiques. C’est juste que l’on se rend rapidement compte qu’il récuse toute ingérence paternaliste de Paris. Il n’a pas le tropisme français de Hassan II », expliquent nos sources.
Mohammed VI installe un nouveau management au sommet de l’Etat marocain que les Français ne comprennent pas du tout. Dans l’entourage proche du souverain alaouite, rares sont ceux qui ont des accointances dans l’hexagone. Si les livres à sensation visant à « faire pression » sur le Maroc continuent à sortir avec une régularité de métronome, l’Elysée et le Quai d’Orsay veillent au grain pour éviter une grande dégradation des relations entre les deux pays.
Mais au début des années 2010 la donne change. Economiquement, le Maroc s’arroge des parts de plus en plus importantes sur le marché africain. Banques, assurances, entreprises de BTP, télécoms, aérien et bien d’autres secteurs font que Casablanca devienne plus proche de Dakar, Abidjan et Libreville que Paris. Dans la capitale française les dents grincent. Et la diplomatie suit. Rabat est désormais une étape incontournable pour les chefs d’Etat du continent. A Paris, le mal de dents est insupportable.
Rabat incontournable en Afrique
Sur le plan sécuritaire, non seulement le Maroc s’autonomise, mais ses services de renseignement prennent le devant dans la lutte antiterroriste et la guerre contre le grand-banditisme. Les Marocains participent à déjouer de nombreux attentats sur le sol européen. Les Allemands, les Espagnols et les Américains saluent…Les Français, principaux concernés, détournent les yeux.
La gestion que fait le royaume chérifien du printemps arabe et des islamistes marocains n’est pas du goût de la DGSE, adepte de « l’éradication » pure et simple de l’Islam politique. Au grand dam de Paris, Rabat laisse la parenthèse islamiste ouverte pendant une dizaine d’années. Les barbus finiront par quitter le gouvernement comme ils sont venus…par les urnes. Une leçon magistrale dont tout le monde et content sauf les Français bien sûr.
Mais, c’est la goutte Donald Trump qui fera déborder le vase. La reconnaissance en 2022 par l’ancien président américain Donald Trump de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental rabat les cartes géopolitiques au Maghreb. Dans la foulée, l’Allemagne et l’Espagne se rabibochent avec le Maroc sur le même dossier. Et c’est le roi lui-même qui le signifie clairement dans un de ses discours : pas de grands marchés (TGV, ports, infrastructures) au royaume pour les entreprises des pays qui trainent les pieds pour reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara. Se sentant visés, les Français n’apprécient pas du tout…et ils répliquent.
Pegasus et bien avant «Chris Coleman », le Qatargate, le vote contre le Maroc au Parlement européen, la dissolution du Conseil français du culte musulman élu où les Marocains sont majoritaires sonnent aujourd’hui comme des rappels à l’ordre de Paris.
« La France fera tout son possible pour que le Maroc ne s’impose pas à la tête du Maghreb. Beaucoup de responsables français savent que l’Algérie est en déliquescence et que son avenir est compromis à moyen-termes. Alors, il vont essayer de freiner le royaume ou du moins ralentir son avance », explique à Maghreb-intelligence, l’ancien ambassadeur français.