Exclusif. Dans les coulisses du « hold-up » de Kaïs Saïed sur la Banque centrale de Tunisie

En croisade contre les bailleurs de fonds multilatéraux, comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, le chef de l’État puise dans les ressources monétaires intérieures du pays pour combler le gap budgétaire. Une démarche peu orthodoxe que Kaïs Saïed accentue avec sa mainmise sur la Banque centrale de Tunisie (BCT), une institution censée être indépendante.   À l’heure où les regards sont tournés vers 27 députés ont déposé une proposition de loi portant révision du statut de la BCT pour lui extirper l’exclusivité de définir les taux d’intérêt, la politique monétaire et la gestion des réserves d’or et de devises, « l’érosion préoccupante de l’autonomie de la Banque centrale est orchestrée depuis des mois par le chef de l’État », souffle un cadre.

Selon nos informations, tout a commencé avec la non reconduction de Marouane Abassi, l’ancien gouverneur de la BCT, après la fin de son premier mandat en début d’année. «Marouane Abassi est connu pour son franc parler, mais Kaïs Saïed lui préférait un gouverneur béni–oui-oui pour dicter ses directives de financer directement le budget national depuis le trésor public », ajoute notre source.

S’il est respecté par ses pairs pour son expertise, le successeur de Marouane Abassi, Fethi Nouri, est « un responsable consensuel ». Plusieurs réunions ont été tenues en catimini entre le nouveau gouverneur de la banque centrale et le président de la République Kaïs Saïed pour fluidifier le recours à l’endettement interne dans une logique de rupture avec les institutions de Bretton Woods.

« Partisan de l’autosuffisance excessive, le chef de l’État s’est déployé en coulisse pour faire un hold-up sur la Banque centrale de Tunisie et lui confisquer le pouvoir de régulateur », regrette le cadre de la BCT. La proposition des députés n’est, ainsi, que la partie visible de l’iceberg. Après avoir écarté les missions de la Banque Centrale de Tunisie et de son gouverneur dans sa nouvelle constitution de 2022, Kaïs Saïed continue de bricoler au sommet de l’État au lieu de prôner de véritables réformes des finances publiques dans un contexte économique morose.

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