Tous les services de renseignement européens sont en alerte maximale en Libye. La CIA aurait elle aussi demandé l’aide du FSB russe pour savoir ce qui se passe réellement dans la Jamahiriya. Les sorties intempestives et désordonnées du guide de la révolution du 1er septembre ont alerté les gouvernements occidentaux sur le degré d’isolement du pouvoir libyen.
« Kadhafi, ses fils et son clan sont totalement coupés de la réalité. Alors que ses enfants se livrent une bataille précoce pour la succession, les proches mettent l’économie du pays en coupé réglée », selon un homme d’affaires libyen qui vit à Londres. Mouammar Kadhafi a été pris de court par les révolutions tunisienne et égyptienne. Ses services de renseignement lui auraient assuré que les régimes de Zine El Abidine Ben Ali et de Hosni Moubarak étaient solidement ancrés. C’est dire la surprise du guide qui a vu deux de ses principaux alliés dans la région « dégommés » en deux mois. D’après des sources bien informées à Tripoli, les comités populaires révolutionnaires libyennes -colonne vertébrale du régime- ont procédé dernièrement à la distribution d’armes et de téléphones portables à plusieurs groupes de personnes constituées en cellules dans les quartiers de Tripoli, de Benghazi et de Mesrata. Ces cellules ont reçu l’ordre de tuer dans l’œuf toute velléité de révolte. C’est le général Abdelfattah Younis Al Obeidi, secrétaire du comité populaire général de la sûreté générale, qui a été chargé par le colonel Kadhafi lui-même de coordonner l’installation des cellules de vigilance. En outre, ordre a été donné à Seif El Islam Kadhafi de mettre en sourdine ses discours réformateurs et de rentrer dans les rangs. D’ailleurs, les services russes qui disposent de très bons relais au sein de l’appareil sécuritaire libyen ont informé les Américains que le régime de Kadhafi ne comprenait toujours pas ce qui arrivait dans la région et que ceci risque d’engendrer une radicalisation du régime. C’est le terme « fuite en avant » qui aurait été utilisé dans les rapports des services européens depuis Tripoli pour qualifier l’attitude du pouvoir libyen. « Le pouvoir de Mouammar Kadhafi ne peut pas se réformer. Il ne peut exister que comme il est. Le risque aujourd’hui en cas de trouble, c’est que des milices affidées à Al Moatassem et à Saâdi se livrent à des exactions contre la population civile », s’alarme un diplomate égyptien qui a longtemps servi en Libye. La même source ajoute que certains pans de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté et seraient très sensibles à un changement radical du régime en place. Si le pouvoir de Mouammar Kadhafi parvient à survivre aux révolutions tunisienne et égyptienne, il ne pourrait pas survivre à un changement totalement démocratique et transparent dans ces deux pays qui influencent beaucoup la population libyenne. « Le régime libyen comme on le voit actuellement est condamné à moyen terme », conclut le diplomate égyptien.
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