En Algérie, les lendemains de défaite ont un goût extrêmement amer. Depuis quelques temps déjà, le président Bouteflika n’en fini pas de boire le calice jusqu’à la lie, humilié, selon ses proches, par les militaires. Ceux-ci ne ratent aucune occasion pour lui signifier qu’il ne pèse vraiment plus sur l’échiquier politique du pays.
Ainsi, plusieurs observateurs ont cru déceler lors du dernier remaniement ministériel une riposte d’El Mouradia. Une énième tentative de reprise en main des affaires par Abdelaziz Bouteflika. Cependant, la suite des événements a démontré toute autre chose. Le premier enseignement est que le véritable artisan de ce remaniement n’était pas enfin de compte le président de la république obligé de concéder énormément de terrain aux caciques de l’institution militaire. Il a dû, en même temps, se défaire de Chakib Khelil, dégrader Abdelhamid Temmar et sacrifier Nourredine Zerhouni. Ce dernier a véritablement disparu de la circulation depuis la solennelle passation des pouvoirs avec Dahou Ould Kablia. D’ailleurs, dans les modestes locaux attribués au nouveau vice-premier ministre et jadis occupés par Bouguerra Soltani, on tarde à voir Zerhouni. Les rumeurs qui circulent avec insistance à Alger, laissent entendre qu’il serait entrain de bouder chez lui et qu’il refuserait de décrocher son téléphone, même quand c’est Bouteflika lui-même qui est au bout du fil.
Mais pourquoi le président s’est-il aussi facilement coupé de ses appuis ? Un diplomate français en poste à Alger et qui connait bien les arcanes de la prise de décision en Algérie affirme que Bouteflika n’avait pas trop le choix. Ses frères seraient plus ou moins « impliqués » dans les affaires de corruption qui éclataient un peu partout à Alger ces derniers mois. Le feu, selon notre diplomate précédemment cité, s’approchait rapidement d’El Mouradida et les militaires soufflaient chaque jour un peu plus sur les braises. Alors, pour sauver ce qui restait de sa présidence, Bouteflika s’est donc résigné de se séparer de ses amis du clan d’Oujda qui jusque-là étaient aux premières loges du pouvoir.
« Il mourra dans son lit »
Aujourd’hui, alors que Bouteflika ronge son frein de dépit, les militaires affichent une unité sans faille. L’axe Zeroual-Betchine, que l’on croyait marginalisé à jamais, a été choyé lors du dernier remaniement avec la nomination de Youssef Youcefi à la tête du stratégique ministère de l’Energie et des mines. Une manière d’isoler encore un peu plus le clan présidentiel, déjà bien esseulé. Ceux qui ont encore de l’amitié pour Bouteflika aimeraient, paradoxalement, voir les militaires l’achever pour abréger le spectacle affligeant de celui qui a démarré sa présidence de façon flamboyante. « Ni coup d’Etat ni attentat…Le président mourra dans son lit », claironne un haut gradé. Décidément, les militaires algériens ont la rancune tenace.