Qui a dit que les révolutions arabes n’ont pas provoqué de changement sur l’environnement géopolitique de la région ? Depuis quelques temps, on remarque un déplacement des lignes d’hostilité, ainsi qu’un repositionnement des alliances. Alors qu’il y a trois mois on annonçait l’adhésion du Maroc et dela Jordanieau Conseil de Coopération du Golfe, voici qu’aujourd’hui les Emirats Arabes Unis freinent des quatre pattes ce projet défendu par le Qatar et l’Arabie Saoudite. La récente sortie du ministre émirati des Affaires étrangères concernant ce sujet, si elle a étonné plus d’un, n’a en effet pas surpris à Rabat. Les Marocains qui n’étaient pas pressés de rejoindre le conglomérat du Golfe, avaient été informés par les Qataris et les Saoudiens des réticences d’Abou Dhabi. D’après des sources bien informées dans la capitale saoudienne, trois pays sont en train de préparer un axe politico-économique. Il s’agit dela Turquie, de l’Arabie Saoudite et du Maroc. La victoire des islamistes modérés lors des élections législatives anticipées du 25 novembre dernier au Maroc est venue donner un sens à cet axe. L’AKP, au pouvoir depuis une dizaine d’années en Turquie, entretient les meilleures relations avec leurs frères du PJD marocain. A l’avenir, Doha pourrait faire partie de cette « alliance » si Ryad consent finalement à revenir à de meilleurs sentiments à l’égard de l’émir du Qatar.
Concernant les raisons de la constitution de cet axe, les sources saoudiennes confirment que le choix n’est pas fortuit. Les trois capitales entretiennent des relations plus qu’amicales et leurs régimes paraissent les plus stables aujourd’hui. « Si l’Egypte,la Tunisieetla Jordanieont été écartés pour le moment c’est que leurs régimes politiques ne présentent pas la stabilité voulue », affirme un haut responsable turc en visite récemment à Paris. « L’Egypte est partie pour une longue période transitoire etla Tunisieaura besoin d’au moins deux années avant d’aboutir à un système totalement stable. En plus, les économies de ces deux pays sont aujourd’hui exsangues », continue le haut responsable turc qui fait partie de l’équipe qui travaille sur l’axe à Ankara.
D’autre part, les trois pays dont les experts veillent à la finalisation des contours du projet hésitent encore sur la forme d’un tel axe. Ce qui est sûr cependant, c’est qu’il devrait intervenir rapidement afin de renforcer la position diplomatique des trois pays face aux dossiers brûlants du moment, comme le dossier syrien ou iranien.