Le rideau n’est pas encore complètement tombé sur la sanglante et dramatique prise d’otages au site gazier d’In Amenas. Les répercussions à venir sur l’Algérie seraient d’après les observateurs innombrables, aussi bien sur le plan interne qu’international.[onlypaid]
Au niveau purement sécuritaire, l’Algérie donnée il y a peu comme un modèle du genre dans la lutte contre le terrorisme vient de perdre la face. En effet, les autorités algériennes qui ont pu depuis 2007 circonscrire avec beaucoup d’efficacité le « péril djihadiste » principalement représenté par AQMI, ont semble-t-il été prises de court par l’opération d’In Amenas. Le site gazier qui se trouve au cœur du pays, non loin du très stratégique champ pétrolier de Hassi Messaoud, était théoriquement loin de la portée d’éventuelles attaques terroristes. Le groupe d’assaillants djihaistes a en effet parcouru des centaines de kilomètres depuis la frontière malienne, d’où ils sont venus à bord de plusieurs véhicules, jusqu’à In Amenas. A Aucun moment, les forces de l’ordre et l’armée algérienne qui quadrillent pourtant la région, ne les ont signalés. Pis encore, le groupe s’en est pris dans un premier temps à un bus transportant des travailleurs qui se rendaient sur le site gazier. Quelques heures après, la prise d’otages avait commencé sans que cela n’alerte l’armée, fortement présente dans les parages. Sur place, le groupe n’a rencontré aucune résistance ni de la part des gendarmes stationnés aux abords du complexe ni de la part de la soixantaine de vigiles privés chargés de veiller sur la sécurité du site. La facilité avec laquelle, la quarantaine d’assaillants a pu s’introduire sur les lieux soulève plusieurs questions. Des observateurs pensent que les terroristes ont pu bénéficier de « relais » efficaces sur le site ou même parmi la population locale. Certains commentateurs n’hésitent pas à évoquer des complicités au sein même de l’armée algérienne -thèse relayée par des sites d’informations mauritaniens- tant la probabilité d’une défaillance sécuritaire ne semble pas tenir la route. D’après d’anciens officiers du renseignement français qui connaissent bien la région, le Sud algérien est particulièrement bien surveillé. Les sites de production pétroliers et gaziers algériens ainsi que les routes qui y mènent sont soumis à un quadrillage minutieux de jour comme de nuit permettant de « détecter une fourmis », soutient-on à Paris. Alors comment des dizaines d’hommes armés auraient pu faire presque 400 kilomètres en plein désert et s’approcher de sites stratégiques sans qu’ils ne rencontrent aucun barrage ni aucune patrouille de l’armée ? La question demeure aujourd’hui entièrement posée.
D’autre part, une fois sur le site, la quarantaine de terroristes s’étaient empressés de libérer la majorité des employés algériens. D’après des otages occidentaux, le comportement des djihadistes était « bizarre ». Ils paraissaient sûrs de leur coup et voulaient rebrousser chemin sur le champ en embarquant une soixantaine d’otages vers la frontière malienne. Les terroristes auraient fait le tri parmi les employés étrangers avec une prédilection pour les Américains, les britanniques et les Japonais -d’ailleurs, ils auraient confondus Japonais et Philippins. D’après le témoignage de certains otages, les djihadistes n’auraient même pas pris le soin d’enlever les téléphones portables aux otages. Plusieurs otages continuaient de circuler librement sur le site et d’enregistrer des scènes à l’aide de leurs téléphones portables.
Pour sa part, le comportement des autorités algériennes lors de cette prise d’otages reste une énigme totale. Dans un premier temps, c’est le ministre de l’Intérieur Dahou Ould Kablia qui monte au créneau pour assurer aux médias que l’opération est l’œuvre d’un groupe d’Algériens provenant de la région même, avant de se rétracter et de déclarer que les véhicules des assaillants étaient venus de Libye. Dahou Ould Kablia s’est couvert de ridicule en affirmant que les autorités de son pays avaient reconnu la voix de Mokhtar Belmokhtar parmi les assaillants. Juste après, c’est le ministre de la Communication qui prenait le relais pour informer au compte-gouttes les médias sur le déroulement de l’assaut donné par le groupe d’intervention de l’armée algérienne. Pendant ce temps, les informations les plus contradictoires sur l’identité des terroristes, leurs revendications et le nombre d’otages et de victimes, continuaient à circuler. Les officiels algériens étaient vraisemblablement dépassés par la tournure que prenaient les événements. La suite le démontrera amplement, notamment concernant l’opération menée par l’armée. Selon l’analyse de plusieurs spécialistes de ce genre de situation, les troupes algériennes ont fait preuve d’une certaine impréparation lors de l’assaut qu’elles ont donné contre les terroristes. L’utilisation des hélicoptères pendant l’intervention est incompréhensible. « Les Algériens ont agi à la russe. Ils ont flingué les preneurs d’otages et les otages sans discernement. La preuve, la majorité des victimes parmi les otages ont péri de la main de l’armée algérienne », s’indigne un ancien commando de la DGSE. « Les forces d’intervention auraient pu attendre la nuit et utiliser du matériel infrarouge pour se rapprocher et essayer de neutraliser les terroristes », ajoute la même source. Enfin, plusieurs interrogations demeurent toujours sans réponses. Pourquoi le président Abdelaziz Bouteflika a préféré adopter un profil bas tout le long de cette crise et pourquoi le ministre de la Défense et le Chef de l’état-major de l’ANP sont eux aussi restés en retrait ? Des questions que se posent aujourd’hui avec insistance les chancelleries occidentales et auxquelles aucune réponse ne sera apparemment donnée. « Aujourd’hui en Algérie ce qui se joue, ce n’est pas simplement la succession d’Abdelaziz Bouteflika, mais celle également des généraux Mohamed Mediène et Gaïd Salah », murmure un ancien premier ministre algérien en guise de piste de réflexion. [/onlypaid]
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