Par Skander Salhi
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Tous les coups sont permis dans la guerre qui oppose l’homme le plus riche d’Algérie, Issad Rebrab, patron du premier groupe privé Cevital, aux frères Kouninef, troisième fortune du pays et alliés stratégiques de la famille d’Abdelaziz Bouteflika. Bousculé et déstabilisé par les blocages que subit son entreprise dans le port de Béjaïa, où ses équipements sont toujours retenus par les autorités portuaires, empêchant ainsi l’extension de son immense complexe industriel installé dans la ville, Issad Rebrab a déployé une nouvelle stratégie pour faire pression sur les autorités politiques et contraindre ses adversaires à la reculade : mobiliser la rue. Des comités de soutien à Cevital ont ainsi été constitués un peu partout dans le pays, réunissant des travailleurs du groupe ainsi que leurs familles. Ils sont chargés d’organiser, dans un futur proche, des rassemblements et des sit-in pour dénoncer les pressions exercées sur Cevital. Par ces actions de protestations, Rebrab menacent ses adversaires d’un embrasement de la rue en cette période de crise financière, alors que la chute du pouvoir d’achat nourrit une véritable colère populaire.
Cette stratégie risque de faire basculer le conflit Rebrab-Kouninef dans une dimension politique qui pourrait être à l’origine de troubles sérieux. Les Kouninef sont en passe d’investir dans un important complexe de trituration de graines oléagineuses. C’est Nutris, filiale du groupe KouGC, qui devrait se charger de la réalisation de ce projet agro-industriel portuaire d’une capacité de 1,6 millions de tonnes par an. Le groupe Kouninef dispose de deux unités de raffinage d’huile brute sur le port d’Alger, acquise en 2006 lors de la privatisation de l’entreprise publique Cogral, et qui produit l’huile « Safia ». C’est à ce jour le seul concurrent de Cevital qui détenait depuis plusieurs années le monopole de la production d »huile et de sucre en Algérie, et détient officiellement plus de 70 % du sucre et de l’huile du pays. Pour en finir avec ce géant bâti du temps de l’Etat-DRS et des généraux de l’armée algérienne, les Kouninef, amis et fidèles d’Abdelaziz Bouteflika, ont lancé une sévère offensive depuis 2016 contre Issad Rebrab pour le discréditer et convaincre l’opinion publique et les autorités de la nécessité de démanteler son empire. La guerre fait déjà rage, et ce n’est semble-t-il que le début.