Il n’aura pas fallu très longtemps pour que les commentateurs se rendent compte de l’erreur manifeste que constitue la nomination d’Abdelouafi Laftit au ministère de l’Intérieur. En quelques semaines, celui que l’on surnomme le « bulldozer », s’est montré digne de sa réputation d’homme « qui échoue dans toutes ses missions ». Une réputation qu’il doit au bilan peu glorieux lors de son passage à la Wilaya de Rabat. En 2014, propulsé à la tête de la région Rabat-Salé-Zemmour-Zaër, devenue depuis Rabat-Salé-Kénitra, Laftit devait ralentir la montée en puissance du PJD, alors annoncé comme le grand vainqueur du scrutin communal et régional de septembre 2015.
Au lendemain des résultats l’échec était patent. Les islamistes s’emparaient des mairies de Rabat, Salé, Témara et Kénitra. La présidence de la région tombait également dans l’escarcelle du parti islamiste. S’ensuivait une guérilla judiciaire menée par le nouveau wali contre les présidents des communes islamistes. Le polytechnicien reconverti en agent d’autorité sera débouté à trois reprises, «de manière lamentable », juge un ancien wali aujourd’hui à la retraite. Face au maire de Rabat qu’il tente de destituer, le tribunal administratif renvoie Abdelouafi Laftit à ses chères études. Idem à propos des demandes de révocation des présidents des arrondissements de Youssoufia et de Hassan, elles seront toutes rejetées par la justice. Les méthodes du wali technocrate lui ont valu une profonde antipathie, tant de la part des électeurs islamistes que parmi des pans entiers de la population et des cadres de son propre ministère, notamment après le scandale dit « des serviteurs de l’Etat ». Il avait alors été révélé que l’actuel ministre de l’Intérieur avait acquis un lot de terrains dans le quartier le plus huppé de la capitale à un prix très préférentiel.
En avril dernier, sa première mission en tant que ministre l’Intérieur le conduit à Al Hoceima, afin de se rendre compte par lui-même de ce qui se passe dans cette ville paisible du nord-est du royaume, secouée depuis plus de six mois par de vastes mouvements de protestations. A son retour à Rabat, Abdelouafi Laftitest retombé dans ses travers de technocrate arrogant, qui confond célérité et précipitation, autorité et agressivité. Il qualifie les Rifains de « séparatistes et d’agents de l’étranger », menace de recourir à la force publique et ignore les revendications socio-économiques des manifestants. Une attitude hostile qui lui vaut l’ire des populations sur les réseaux sociaux et des commentateurs du pays. « Grattez le vernis de la fonction du ministre qui devait le couvrir des habits d’homme d’Etat, et réapparaît le technocrate peu à l’aise en communication et pas du tout habile en politique », se désole un des collègues d’Abdelouafi Laftit au gouvernement.