Le sondage qui terrorise l’armée turque, Israël et les USA. Après avoir essuyée une cinglante défaite lors du référendum sur la révision de la constitution, l’élite kémaliste laïque vient de prendre en pleine figure le dernier sondage de l’Institut Transatlantic Trends diffusé par German Marshall Fund, qui révèle que les Turcs n’ont plus envie de lier leur sort à l’Union européenne.
En effet, alors qu’ils étaient 74 % en 2004, à s’être déclarés favorables à une intégration avec l’Europe, ils ne sont plus, en 2010, que 38 % à émettre un tel souhait. Ce qui inquiète le plus l’armée turque et l’élite kémaliste, c’est qu’en deux ans, le taux de ceux qui regardent du côté des pays musulmans a doublé. Cette année, 20 % des citoyens turcs, y compris ceux de la diaspora, désirent une collaboration plus étroite avec les Etats musulmans du Proche-Orient. En outre, 38 % des sondés supportent le programme nucléaire iranien qu’ils jugent inoffensif. Depuis l’accession des islamistes-conservateurs de l’AKP au pouvoir en Turquie, la seule république laïque dans le monde musulman a entamé une irréversible révolution, qui la réconcilie avec son passé glorieux de puissance musulmane du temps de l’Empire Ottoman. Réconfortés par une prospérité économique et une stabilité politique retrouvée sous le gouvernement de l’islamiste modéré Recep Tayyip Erdogan, beaucoup de Turcs ne voient plus l’adhésion à l’Europe comme une nécessité. En se portant au secours des Palestiniens à Gaza et en prenant ses distances avec Israël, la Turquie commence à occuper le champ laissé vacant par l’Egypte et l’Arabie Saoudite : celui de leader du monde musulman. Depuis 1924 et l’abolition du Califat, jamais Istanbul n’avait autant regardé vers l’Orient…Jusqu’à quand ?