Généralement le mois de juillet est peu propice aux manœuvres en Tunisie. Mais, le cru 2010 fera certainement l’exception. Dès le 17 juillet, le RCD
(Rassemblement Constitutionnel Démocratique) au pouvoir depuis l’indépendance, donne le ton. Le comité central de l’un des plus ancien partis politiques du monde arabe, lors d’une réunion somme tout ordinaire, dégaine en douceur. Il appelle, au détour d’un paragraphe perdu dans une motion générale sans réel intérêt, le président Ben Ali à continuer à diriger la Tunisie au cours de la prochaine étape. Pour le commun des mortels, «prochaine étape» rime avec l’actuel mandat-qui dure six ans- que Ben Ali vient à peine d’entamer en 2009. Non pas pour les initiés. Par « prochaine étape », le RCD vise un sixième mandat présidentiel qui devrait normalement commencer en 2014. Pourquoi le parti au pouvoir chauffe-t-il le moteur cinq ans avant cette échéance ?
Premièrement, le RCD a peu goûté les informations parues ici et là depuis une année sur l’éventuelle succession de Ben Ali. Surtout que cela se passait dans les salons et sur les colonnes de la presse. Pendant quelques mois, les noms des possibles successeurs du président ont pullulé sur le net et dans les sphères privées. Cela concernait aussi bien des membres-proches ou loin de la famille- de Ben Ali que des caciques du pouvoir.
Aujourd’hui, le président et son parti remettent de l’ordre et adressent un message très clair. Exit le scénario égyptien où le parti au pouvoir, la famille du raïs et les caciques de l’armée s’étripent en public dans une ambiance de fin de règne. D’ailleurs, selon un ancien habitué du cercle présidentiel qui vit aujourd’hui entre Paris et Tunis, le régime tunisien est solide. Il repose sur un parti politique qui compte des millions d’adhérents, structure réellement le pays et dispose d’une légitimité certaine, malgré l’érosion due aux années et à quelques affaires de corruption. En plus, le président Ben Ali-qui fêtera ses 74 ans dans deux jours- affiche une santé insolente. Il peut également se targuer d’un bilan positif sur le plan économique, social et sécuritaire. La Tunisie demeure un des pays les mieux loti de la rive sud de la Méditerranée avec des agrégats qui font beaucoup de jaloux.
L’opposition tunisienne qui dénonce, d’une manière cyclique, le verrouillage du système politique est restée pour le moment sans voix. Il faut dire qu’à part des faits d’armes isolée, celle-ci n’arrive ni à unir ses forces ni à dégager une figure charismatique qui ferait l’unanimité autour d’elle. Cela-dit, elle ne manquera pas de pointer le bout du nez. De sources concordantes, l’opposition tunisienne fera de la prochaine réforme de la constitution son véritable grand combat. En effet, pour pouvoir se représenter en 2014, le président Ben Ali-qui aura alors 78 ans- doit amender la loi fondamentale du pays afin de lever la limitation d’âge que l’actuelle constitution place à 75 ans.