C’est la dernière jolie bourde de celui qui porte désormais, sur les réseaux sociaux, le surnom de « Saâdeddine Lagaffe ». Et c’est de loin la plus grave et la plus irresponsable des gaffes du chef du gouvernement marocain. En tweetant peu de temps après la fusillade, qui a fait un mort et deux blessés jeudi soir à Marrakech, que les tireurs avaient été arrêtés par les forces de l’ordre, Saâdeddine El Othmani a illégalement interféré dans une enquête policière en cours, tout en donnant des informations au grand public qui pouvaient compromettre l’avancement d’une telle enquête. Ainsi à 22 heures, soit un peu moins de deux heures après la fusillade, le chef du gouvernement censé être tenu au courant par le ministère de l’Intérieur du déroulement des évènements, se précipite sur son téléphone comme un citoyen lambda pour annoncer l’arrestation des meurtriers. Son tweet est largement repris sur les réseaux sociaux et par plusieurs médias électroniques. 34 minutes après le premier tweet, Saâdeddine El Othmani se rétracte le plus normalement du monde en affirmant que les meurtriers courent toujours. Entre temps, les oreilles du chef du gouvernement ont chauffé. Selon des sources bien informées, les services de police mobilisés comme jamais n’ont pas du tout apprécié l’incursion maladroite du patron de l’exécutif. D’autant plus que la DGSN a tenu à informer l’opinion publique dès les premiers instants du crime du moindre rebondissement. D’ailleurs, ce n’est que tôt dans la matinée du vendredi qu’elle a annoncé l’arrestation à Casablanca de six suspects et l’identification de l’éventuel commanditaire du crime.
Il y a quelques mois, voulant célébrer les 100 jours de son gouvernement, Saâdeddine El Othmani n’avait pas hésité à révéler lors d’une émission spéciale à la télévision nationale la largeur de la bande de flexibilité du dirham. Une information qui d’habitude est jalousement gardée par la banque centrale et le ministère des Finances. « Le chef du gouvernement est une personne naïve pour ne pas dire plus. Le pire est encore à venir », nous avoue mi-sarcastique mi-résigné l’un de ses ministres.