On le savait puissant. On le devinait homme de réseaux. On le connaissait manipulateur. On le soupçonnait d’être sans pitié. On l’imaginait préférer la discrétion des salons feutrés du pouvoir aux lambris et aux ors de la république. Saïd Bouteflika vient de démentir tous les pronostics en présentant un visage d’homme accessible, humain, humble, un peu trop humble pour qu’il soit crû. Samedi 3 juin dernier, alors que le centre d’Alger voyait affluer quelque 150 intellectuels, journalistes et producteurs pour un sit-in de solidarité devant le siège de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) autour de l’écrivain Rachid Boudjedra, le frère du président se mêlait au rassemblement. Une énorme surprise de la part d’un homme qui depuis une quinzaine d’années a fait le choix de tirer les ficelles dans l’ombre. Son soutien ostensible à Rachid Boudjedra en colère contre les dérapages de la télévision privée Ennahar TV, dont le patron serait très proche de Saïd Bouteflika, a eu l’effet escompté. Toute l’Algérie a passé et repassé la vidéo du puissant frère de président resté de marbre face aux hués et aux insultes de certains manifestants. L’opération de com est rondement menée, certains sites électroniques et plusieurs journaux n’hésitant pas à vanter « la sérénité et le calme olympien » de l’homme. De là à lui conférer une stature de « présidentiable », il n’y a qu’un pas que beaucoup de journalistes et commentateurs n’ont pas hésité à franchir allègrement.
Mais pourquoi Saïd Bouteflika a-t-il choisi de sortir du bois ? De sources proches du pouvoir, les manœuvres menées depuis des mois par le général Gaïd Salah commencent sérieusement à inquiéter l’entourage du président. C’est un secret de polichinelle à Alger, dans les dîners en ville, les hommes proches du chef des armées n’hésitent plus à parler d’un « coup d’Etat médical ». Ils dénoncent également le rôle de plus en plus important conféré à plusieurs hommes d’affaires et grands groupes par Saïd Bouteflika. Quoi qu’il en soit, sa récente démonstration publique sortie publique de Saïd Bouteflika que le compte à rebours est enclenché, et que l’ultime confrontation entre deux clans qui ne se supportent plus n’est plus qu’une question de mois. Et dans cette bataille-là, le clan présidentiel n’a qu’un seul champion : Saïd Bouteflika.