«Le temps nous est compté». C’est ce que n’arrête de répéter en comité restreint Nadia Yassine, égérie d’Al Adl wa Al Ihssane et fille préférée du fondateur du mouvement extrémiste marocain. En effet, la famille du vieux fondateur de l’association islamiste «tolérée» est sérieusement inquiète de l’état de santé d’Abdeslam Yassine.
Aujourd’hui âgé de plus de 82 ans, le vieux serait malade au point de ne plus pouvoir communiquer avec sa famille. Le « temps » dont parle Nadia Yassine est celui de la succession. Parce que l’héritage d’Abdeslam Yassine est conséquent à bien des égards. Al Adl Wa Al Ihssane étant pratiquement organisée comme une secte ou un mouvement clandestin, toutes les donations qui proviennent aussi bien des militants installés en dehors du Maroc que des adeptes résidant dans le Royaume sont contrôlées par Abdeslam Yassine et ses proches. Cette situation pourrait ne pas durer au cas où le guide venait à disparaître. Les Adlistes ont en général une relation mystique et quasi fusionnelle avec leur chef et il n’est pas sûr qu’ils opèrent un transfert émotionnel vers un autre leader du mouvement, s’il venait d’être choisi.
C’est cette situation qui explique le regain d’activisme des structures d’Al Adl Wa Al Ihssane. Un trio de dirigeants composé de Nadia Yassine, de son mari Abdallah Chibani et du porte-parole du mouvement Fathallah Arsalane se serait mis d’accord pour que la succession échoit à la famille du Cheikh. Si Nadia, malgré sa popularité et son entrain médiatique, ne peut faire l’affaire, son mari quant à lui ne serait pas un mauvais candidat puisqu’en plus d’appartenir à la famille,il présenterait l’avantage d’être «sans ambitions et extrêmement malléable».
Resterait alors à convaincre l’appareil politique. Aissa Acherki, figure emblématique de l’aile politique du mouvement dans le Nord du pays, a fait les frais de son opposition à un tel scénario. Non seulement exclu, il a également été accusé de malversations. Une réaction prise au nom du père et susceptible de calmer les ardeurs de contestataires potentiels.
La deuxième phase a été la démonstration de force dans les rues de rabat lors de la marche de soutien à la flottille de la liberté. Le trio Yassine-Chibani-Arsalane a battu l’appel des militants et n’a pas lésiné sur les moyens pour démontrer aux adeptes qu’Al Adl n’a pas perdu de son influence alors même que le cheikh est malade. Un message destiné plus à la clientèle interne qu’aux autorités marocaines qui suivent de près la lutte de succession au sein du mouvement.