L’intensité de la vie politique marocaine a baissé d’un cran ces derniers jours. Pour les observateurs, les relations entre l’opposition parlementaire et le PJD ne sont plus aussi tendues qu’avant. Et pour cela, il y aurait plusieurs raisons. Tout d’abord, les difficultés auxquelles font face aussi bien le premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachguar que le secrétaire général de l’Istiqlal Hamid Chabat. Considérés comme les deux plus grands adversaires du PJD, ils semblent avoir du plomb dans l’aile. Les deux politiciens sont aujourd’hui inaudibles, victimes principalement de la tonalité de leurs attaques contre le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane. Le patron de l’Istiqlal a perdu beaucoup de sa superbe, depuis qu’il fait dans l’excessif et s’en personnellement à Abdelilah Benkirane, l’accusant pêle-mêle d’être à la solde du Mossad israélien et d’appartenir à l’organisation terroriste Daech. Des propos qui ont surtout jeté le discrédit sur Hamid Chabat lui-même. De son côté, Driss Lachguar semble en retard d’une guerre à chaque fois qu’il intervient pour critiquer le gouvernement. « Il prépare mal ses discours et fait usage d’un référentiel bloqué dans les années quatre-vingt-dix », explique un ancien, membre du bureau politique de l’USFP. Les deux hommes apparaissent aujourd’hui comme faisant du surplace sur la scène politique, et à chacune des leurs prises de paroles, c’est Benkirane qui engrange les points gagnants.
Le PAM, autre parti de l’opposition, pêche lui par un handicap congénital. Celui de sa propre constitution. Le parti est scindé entre l’aile gauchiste-peu efficace électoralement- et son aile formée par les notables-performante lors des scrutins, mais peu consistante idéologiquement-. Les deux ailes du parti s’ignorent superbement, et cela malgré les efforts du secrétaire général Mustapha Bakkoury qui souffre d’un flagrant manque de charisme et surtout de l’absence de toute légitimité partisane et électorale. D’ailleurs, le PAM sous la houlette du vice-secrétaire générale et homme fort du parti, Ilyas Omari a multiplié ces jours-ci les signaux « amicaux » envers les islamistes. Signaux que leur a bien rendus le PJD par le biais du ministre de l’Equipement et du Transport, Aziz Rebbah, qui n’a pas exclu une éventuelle alliance avec ses ennemis d’hier. Cette déclaration s’inscrivant en rupture totale avec les précédentes saillies violentes du chef du gouvernement contre le PAM.
Il est donc possible d’imaginer que face à l’échec du duo constitué par l’Istiqlal et l’USFP, que le PAM-qui a le pouvoir inscrit dans son ADN- se détourne de ses acolytes au sein de l’opposition afin d’aller voir sous des cieux plus radieux. Un attelage PJD/PAM est donc plus que probable à la sortie des prochaines échéances électorales, d’autant plus que les islamistes devraient logiquement faire jeu égal avec les pamistes lors du scrutin communal et connaître une légère érosion à l’occasion des législatives.
Demeure la problématique d’une opposition crédible et pouvant donner le change. Si l’on estime que l’Istiqlal/USFP auraient besoin de plusieurs années pour se reconstituer en une alternative plausible, le Makhzen ne verrait pas d’un mauvais l’arrivée sur l’échiquier d’un mouvement politique issu d’Al Adl wal Ihssane-la piste salafiste s’est révélée être une impasse-, mais débarrassé de ses référentiels radicaux (Qawma et Khilafa). Un tel mouvement à droit du PJD, s’il est accolé à un UNFF revigoré et sorti de sa léthargie historique ferait bonne figure en tant qu’opposition institutionnelle. Mais pour le moment, un tel scénario relève de la politique-fiction, même si ses prémices sont visibles ici et là.