« Je rends hommage aux centrales syndicales qui ont permis au Maroc de vivre ce 29 octobre une journée historique ». C’est un Abdelilah Benkirane mi-soulagé mi-railleur qui s’est permis de féliciter ses adversaires syndicalistes pour le déroulement « exemplaire et responsable » de la grève générale. Le chef du gouvernement, vainqueur sans conteste d’une partie de poker monteur se permet de noter les syndicats. Mieux encore, il choisit le jour même de la grève générale pour annoncer une aide directe à 300 milles veuves, avec 350 dirhams pour chaque orphelin, à condition que le total des indemnités ne dépasse pas 1050 dirhams par veuve. Et le rusé Benkirane pousse l’avantage encore plus loin. Le gouvernement devrait opérer des coupes dans les salaires des grévistes. Du coup, les centrales syndicales les importantes du pays, ainsi que l’opposition parlementaire et extraparlementaire représentée par Al Adl Wal Ihssane se retrouvent pied au mur. La grève générale est une arme à un seul coup. Ils l’ont tiré, mais n’ont pas fait mouche. Le mort d’ordre de grève a été largement suivi dans la fonction publique, mais a peu perturbé la vie quotidienne des Marocains. Dans les grandes villes, on était loin de l’opération « villes mortes » promises par les initiateurs de la grève.
Aujourd’hui, le gouvernement va reprendre langue avec les syndicats, mais la donne sera différente. Abdelilah Benkirane sait qu’il n’y a pas de désamour entre lui et l’opinion publique, malgré les quelques signes d’inquiétude et de frustration. Fort du soutien du palais qu’il n’arrête pas d’afficher à toutes les occasions, il va sans doute aller le plus loin possible dans les réformes qu’il a déjà engagées. Une manière de préparer les prochaines échéances électorales qu’il veut remporter, puisqu’il rêve, selon son entourage, de rempiler encore une fois.