Alger avait pourtant tout bien ficelé. Depuis plusieurs mois, les diplomates algériens planifiaient leur coup dans une totale discrétion. Les contacts n’ont jamais cessé ni avec Kerry Kennedy ni avec Eric Goldstein, directeur Moyen-Orient et Afrique du Nord au sein de Human Right Watch, et cela à travers un puissant lobby démocrate actif à New York, aidé dans sa manœuvre par une Susane Rice -représentante américaine auprès des Nations Unies- qui ne cache pas son hostilité au royaume chérifien. [onlypaid]
Fin décembre, les contacts s’intensifient entre les représentants du Polisario et le lobby américain. Les rencontres ont lieu au bureau d’un avocat très en vue appartenant au parti démocrate et proche du Centre Robert Kennedy. Alger pilote le tout dans les coulisses. Le procès de Gdeim Izik au début de l’année apporte de l’eau au moulin du Polisario. Le Maroc commet des erreurs dans sa gestion du dossier du Sahara et semble perdre l’avantage qu’il avait acquis en présentant sa proposition pour une large autonomie. Les choses n’en restent pas là. Rabat commet l’irréparable en expulsant des députés européens venus soutenir les indépendantistes sahraouis à Laâyoune.
Fin mars, le vent semble avoir définitivement tourné en faveur du Polisario et de l’Algérie, d’autant plus qu’Hillary Clinton qui « veillait » sur les intérêts marocains à Washington avait pris sa retraite. John Kerry qui a pris les rênes du Département d’Etat est plus proche des thèses de l’Algérie. Pendant ce temps là, le Maroc ne se doute de rien. Comme chaque année, le Conseil de sécurité allait voter à la fin du mois d’avril une résolution, prorogeant la mission de la Minurso. Par contre, Christopher Ross, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Sahara Occidental, est mis au parfum. Vers la mi-avril, Il se rend à Rabat où il rencontre le roi, mais ne pipe pas un mot. Ce n’est qu’après sa visite dans la capitale marocaine que les autorités chérifiennes apprennent qu’une mouture de projet de décision américaine prévoyant l’élargissement de la mission de la Minurso à l’observation des droits de l’homme au Sahara et à Tindouf allait être présentée par les Etats-Unis devant le Conseil de sécurité. A Alger on jubile. Tout marche comme sur de roulettes. Le Maroc est au pied du mur.
Au Palais royal, c’est la stupeur. La démarche américaine est pressentie comme un coup de poignard dans le dos. Si une telle décision est prise, cela voudrait dire que la souveraineté du Maroc sur le Sahara sera amoindrie. A Rabat, c’est le branle-bas de combat. Mohammed VI prend personnellement les commandes pour pallier à une diplomatie défectueuse et des partis politiques peu crédibles. Il envoie deux de ses plus proches collaborateurs, Taëb Fassi-Fihri et Yassine Mansouri, encadrer un novice Saâdeddine El Othmani lors d’une visite à Londres et Moscou. Le Maroc choisit de monter au créneau. Le message royal est clair. Le Maroc expulsera la Minurso si le projet de décision américaine est adopté. Le roi active ses propres réseaux diplomatiques. L’Arabie Saoudite, le Koweït et les Emirats Arabes Unis répondent favorablement à l’appel du souverain alaouite. L’Espagne prend tout le monde de court et dénonce la position américaine. La France plus habituée à défendre le royaume du Maroc, menace dans les coulisses d’utiliser son droit de veto. Enfin la Russie, qui craint des précédents similaires dans ses zones d’influence traditionnelles, soutient elle aussi le Maroc. La maison blanche finit par se rendre compte qu’elle pourrait perdre son plus grand allié dans le Sud-ouest de la Méditerranée. La pression marocaine sans relâche depuis une semaine, est ponctuée par un coup de fil royal à Barack Obama. Washington annonce officiellement le retrait de sa proposition. La joie change de camp. Alger, groggy, déprime, alors qu’à Rabat, le palais royal sort un communiqué « victorieux ». Le Maroc vient de sauver l’essentiel… au moins pour l’instant.[/onlypaid]
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