Il ne faut pas se fier aux apparences : malgré son jeune âge (il n’a pas trente ans), son visage poupin et ses manières empruntées, Sakhr El Materi est un homme d’affaires redoutable.
Ce fils de bonne famille issu de la grande bourgeoisie tunisoise « beldie » est aujourd’hui un des entrepreneurs les plus en vue du pays.
Sakhr, qui s’est fait élire député en octobre 2009 et siège au comité central du RCD, le parti au pouvoir, depuis l’été 2009, s’est taillé un empire dans l’immobilier, le tourisme, les transports, les médias et maintenant la banque.
Son ascension débute en 2004, et coïncide avec son mariage avec Nesrine, la fille du président Zine El Abidine Ben Ali. Les dividendes retirés d’une juteuse opération bancaire réalisée en marge de la privatisation de la Banque du Sud permettent à Sakhr de mettre la main sur le groupe Ennakl, spécialisé dans la vente d’automobiles et de camions. Concessionnaire de Porsche, Audi, et Volkswagen (Seat viendra enrichir la gamme dans les prochains mois), le consortium détient aujourd’hui 22 % du marché. Son introduction en bourse est prévue cet été et concernera 40 % du capital.
Le lancement, en septembre 2007, de Zitouna FM, la première radio religieuse du pays, propulse Sakhr El Materi sous les feux de la rampe. Le pieux jeune homme se pose en champion de la sensibilité « islamo-traditionnaliste », mais en version « soft » et « moderne ». Fort du succès de sa radio, il a élargi ses activités charia-compatibles à la banque, en lançant cette année Zitouna Bank, première banque tunisienne dédiée à la finance islamique, ainsi qu’une compagnie d’assurance, Zitouna Takaful. Le rachat, au printemps 2009, de Dar Essabah, premier groupe de presse privé du pays, a achevé de transformer l’homme d’affaires en patron de presse.
Sakhr El Materi nourrit-il des ambitions politiques ? Son nom revient avec insistance comme l’un des successeurs possibles du président Ben Ali, si celui-ci venait à se retirer. Il a pour lui une « double légitimité dynastique » : sa proximité avec la famille présidentielle et son pedigree. Son grand-oncle, le Dr Mahmoud El Materi, n’a-t-il pas été le premier président du Néo Destour, en 1934 ? Mais Sakhr a contre lui la légèreté de son CV – il n’a pas poussé ses études très loin, c’est un euphémisme – et son manque de maturité politique. Estampillé « beldi », il aura du mal à s’imposer dans un parti dominé depuis l’indépendance par les Sahéliens. Et surtout, il passe, à tort ou à raison, pour l’homme-lige des Trabelsi…
{JCSBOT SUBSCRIPTION=13,10,11,12}