Candidat à sa propre succession, Kaïs Saïed s’appuie sur l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) pour éliminer, tour à tour, ses concurrents et demeurer seul sur la ligne de départ.
Journalistes, avocats, membres d’organisations non gouvernementales… En Tunisie, un pays désormais réprimé depuis le coup de force de l’actuel président de la République en juillet 2021, les activistes de tous bords dénoncent un retour à la dictature avec le maintien en détention et la mise à l’écart des figures de l’opposition du scrutin présidentiel contre des accusations infondées. Mais qui peut arrêter Kaïs Saïed qui semble faire regretter aux Tunisiens les années Ennahdha ?
« Le chef de l’Etat s’est attribué par décret le pouvoir de limoger les magistrats et leur interdire de faire grève. Il contrôle la justice pour imposer sa dictature et faire plier ses détracteurs », confie, à Maghreb Intelligence, un opposant politique contraint à l’exil en France. Pire, le chef de l’État, s’assure avec sa mainmise sur l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) de passer au crible la liste des candidats à l’élection présidentielle du 6 octobre pour écarter les candidats les plus sérieux à la course à Carthage.
Seul un candidat est resté en lice face au chef de l’État : Zouhaier Maghzaoui, secrétaire général du Mouvement du Peuple et jadis un fervent soutien à Kaïs Saïed. Alors que l’outsider Ayachi Zemmal a été placé en détention provisoire pour avoir enfreint, selon la justice tunisienne, les règles sur les parrainages, les trois candidat les plus sérieux, à savoir Mondher Zenaidi, un grand commis de l’État sous Ben Ali, Abdellatif Mekki, le candidat d’Ennahdha, et Imed Daïmi, le compagnon de route de l’ancien président Moncef Marzouki, ont tous été écartés par l’ISIE.
Malgré le feu vert de l’assemblée générale du tribunal administratif pour les réintégrer à la liste des candidats, Farouk Bouasker, le président de l’ISIE aux mains de du président de la République, a opposé son véto, suscitant un tourbillon politico-médiatique dans le pays. « Kaïs Saïed a nommé son ancien étudiant à la tête de l’ISIE, en 2022, pour contrôler cette instance et disposer de prérogatives supplémentaires à ce qu’elle n’en a dans les textes de loi », glisse un ancien conseiller au Palais de Carthage, selon lequel « le Raïs, mal conseillé par son entourage, est un parano-mégalo ».