Depuis la visite officielle d’Abdelmadjid Tebboune en Russie au mois de juin dernier et ses prises de positions étonnamment favorables et élogieuses à l’égard du leader du Kremlin, Vladimir Poutine, les relations entre les autorités algériennes et allemandes ont pris un sérieux coup de froid. L’Allemagne n’a pas du tout apprécié l’alignement systématique et dangereux d’Abdelmadjid Tebboune sur la politique agressive et anti-occidentale de Poutine. Le régime algérien qui avait habitué l’Allemagne et les autres partenaires européens à une conduite beaucoup plus neutre et impartiale vis-à-vis des conflits qui opposent la Russie à l’Occident a, cette fois-ci, suscité l’exaspération et les craintes des dirigeants allemands qui ont commencé, visiblement, à réviser leurs relations avec Alger pour contester cette adhésion des décideurs algériens au camp de Poutine.
Cette révision allemande passe d’abord et avant-tout par les exportations d’armes vers l’Algérie. Celle-ci vient de prendre un inédit coup d’arrêt, a-t-on pu confirmer auprès de plusieurs sources sécuritaires algériennes. Depuis le début de l’année 2023 et notamment depuis juin dernier, les contacts initiés par le ministère algérien de la Défense avec plusieurs groupes industriels allemands spécialisés dans les livraisons et productions d’armes sophistiquées ont été gelés, voire rompus, attestent nos sources. Les partenaires allemands ont pris soudainement leurs distances vis-à-vis de l’Armée algérienne et de nombreuses demandes de pourparlers, de négociations pour la conclusion de nouveaux contrats d’armes n’ont donné aucune suite favorable et n’ont pas suscité de réaction au sein des milieux industriels d’armements allemands.
Cette attitude allemande soulève de nombreuses craintes à Alger car les dirigeants de plusieurs départements sensibles du ministère de la Défense craignent l’instauration d’un embargo allemand qui n’est pas encore annoncé, mais dont les militaires algériens voient d’ores et déjà les prémices. L’Allemagne ne souhaite pas visiblement fournir des armes à un pays qui est allié de la Russie et qui soutient ouvertement l’agression russe contre l’Ukraine. L’Allemagne est, d’ailleurs, l’un des pays qui œuvre activement pour soutenir la résistance ukrainienne.
Le probable embargo allemand ne manquera pas de faire des dégâts en Algérie. L’Allemagne est devenu ces dernières années l’un des trois fournisseurs d’armes de l’Etat algérien notamment dans le domaine des forces navales où la marine algérienne achète massivement du matériel made in Germany depuis 2013/2014. Depuis 2017, l’Algérie figure dans le Top 10 des plus grands clients de l’Allemagne en matière d’armement. L’Algérie, qui est connue comme un client traditionnel des armes russes et chinoises, est devenue ainsi le principal acheteur d’armes allemandes au cours des quatre dernières années, a reconnu récemment à ce sujet le prestigieux Institut international de recherche sur la paix (SIPRI) basé à Stockholm.
Dans son rapport sur les transferts mondiaux d’armes entre 2016-2020, le groupe de réflexion suédois classe l’Algérie au 6e rang mondial des importateurs d’armes, qui a dépensé plus de 35 milliards de dollars depuis 2015. Face aux difficultés d’approvisionnement en armes auprès de la Russie qui est embourbée dans le conflit ukrainien et qui peine à honorer les commandes de ses clients traditionnels, un embargo allemand causerait certainement de grands préjudices pour la sécurité nationale en Algérie en privant l’Armée du pays d’une autre source d’approvisionnement. C’est ce scénario qui alimente les pires angoisses des dirigeants militaires à Alger.