Un an après avoir prêté serment à la tête de la magistrature suprême en Tunisie, Kaïs Saïed est au cœur de toutes les polémiques. Le bilan de l’atypique chef d’État a été rythmé par des déclarations controversées, des bourdes diplomatiques et un bras de fer avec Rached Ghannouchi, figure de la classe politique aux commandes depuis la révolution de 2011. Retour sur la première année du quinquennat d’un outsider devenu président malgré lui.
Vainqueur du scrutin présidentiel, avec 72,71 % des voix, Kaïs Saïed a voulu bouleverser l’échiquier politique tunisien, cependant, passer des paroles aux réformes fut un processus très compliqué. Le spécialiste en droit constitutionnel a multiplié les diatribes contre des ennemis invisibles et intensifié les accusations : “des complots ourdis”, “des chambres sombres”, “des traîtres dans les bras du sionisme”… La défaillance communicationnel du président de la République lui a également valu une vague de critique, notamment, pour son soutien à la loi inégalitaire sur l’héritage et sa position en faveur l’application de la peine de mort.
L’homme de droit, en froid avec Hichem Mechichi pour ses liens avec Ennahdha, s’est permis de dépasser ses prérogatives, s’ingérer dans les décisions du chef du gouvernement, ainsi, violer la Constitution. En effet, les relations entre Kaïs Saïed et le mouvement d’obédience islamique et plus particulièrement son leader, Rached Ghannouchi, sont glaciales. À l’origine de ce conflit, la diplomatie parallèle menée par le président du Parlement et ses positions concernant les dossiers régionaux. L’icône religieuse voulait avoir la mainmise sur la diplomatie tunisienne, un domaine très mal maîtrisé par le chef d’État.
En un an de règne, la valse des ambassadeurs à la tête de la représentation tunisienne de l’ONU à New-York interroge. Kaïs Saïed a limogé Moncef Baati, nommé Kaïs Kabtani avant de le remplacer par Nejmeddine Lakhal. Dans le dossier libyen, un autre sujet prioritaire, la Tunisie a été devancée par le Maroc via les pourparlers de Bouznika. Réuni avec plus de 35 chefs de tribus libyennes, Saïed avait appelé à élaborer une Constitution similaire à la Constitution afghane et s’est attiré les foudres des Libyens. En effet, le locataire du Palais de Carthage a enchaîné les décisions absurdes et les situations surprenantes. En déplacement officiel à Paris, l’académicien était à deux doigts de venir aux mains avec un ressortissant tunisien dans les rues de la capitale française.
Si le séjour du président de la République à Carthage a été largement critiqué par la classe politique, contre qui il est parti au clash, sa notoriété auprès de ses électeurs demeure intacte. Adepte du populisme identitaire, Kaïs Saïed est toujours en tête des intentions de vote et son quinquennat réserve une avalanche de surprises. Acceptera -t-il d’enterrer la hache de guerre avec son principal rival, Rached Ghannouchi ? Opéra-t-il des changements sur son équipe de communication pour éviter des sorties médiatiques imprévisibles ? Le mystère Saïed demeure entier…