Jusqu’au 18 avril dernier, il y avait bel et bien une lune de miel entre le président algérien Abdelmadjid Tebboune et son chef d’Etat-Major par intérim, Said Chengriha. Ensemble, les deux hommes ont établis une stratégie bien huilée pour démanteler ce qui reste du clan Gaid Salah au sein de l’establishment de l’armée algérienne afin de neutraliser tous les résidus qui peuvent les empêcher de gouverner paisiblement en Algérie. Le plan a commencé par la neutralisation du général Wassini Bouazza, l’homme que Gaid Salah a imposé à la tête des services algériens. Le 14 avril dernier, il est arrêté et plusieurs de ses principaux collaborateurs jetés en prison.
Un poids lourd du clan Gaid Salah a été donc éliminé. Chengriha en sort grandi et puissant avec la Direction Centrale de la Sécurité de l’Armée (DCSA) entre ses mains grâce à son fidèle et dévoué collaborateur le général Sid Ali Ould Zmerli. Après Wassini Bouazza, des enquêtes furent ouvertes sur les autres maillons du clan Gaid Salah. Ali Akroum, Amar Amrani et Chengriha ciblait enfin le général-major Abdelkader Lachkhem, le puissant patron des Transmissions.
Chengriha doit le neutraliser pour asseoir son pouvoir définitivement au ministère de la Défense Nationale. Il passe à l’attaque le 17 avril. Lachkhem est arrêté et interrogé. Mais Tebboune, pris de panique, intervient et demande de cesser les hostilités. Le général Lachkhem était l’un des soutiens les plus actifs au sein du clan Gaid Salah lors de la campagne électorale pour les élections présidentielles du 12 décembre 2019. Tebboune ne veut pas le voir en prison ni tomber en disgrâce. Lorsqu’il était étrillé par les réseaux de Wassini Bouazza, le général Lackhem était du côté de Tebboune et son ami Mohamed Rougab, l’ex-secrétaire particulier d’Abdelaziz Bouteflika, assurait régulièrement le maintien de la relation entre le général et l’ex-candidat aux élections présidentielles.
Tebboune n’est pas ingrat et ne veut pas sacrifier son ex-allié. Il intervient et demande à Chengriha de relâcher Lachkhem. Chengriha accepte, mais ne cache pas sa déception. Conserver au sein de l’establishment militaire un des principaux maillons du clan Gaid Salah n’arrange pas son calcul et l’affaiblit sur la scène politique. Et depuis cet épisode, les malentendus s’installent entre Chengriha et Tebboune. Le chef d’Etat-major par intérim de l’ANP s’inquiète et réfléchit beaucoup. Il part visiter les régions militaires pour tâter le pouls de ses collaborateurs. Sont-ils encore de son côté ? Vont-ils le soutenir dans ces futurs bras-de-fer ?
Pour Chengriha, il n’est pas question de diriger un Etat-Major qui échappe à son pouvoir avec d’anciens éléments de Gaid Salah qui tentent de comploter contre lui. D’ici le 5 juillet prochain, il doit se prononcer sur sa régularisation en tant que Chef d’Etat-Major de l’ANP. Tebboune lui a demandé officiellement de rester et de l’accompagner. Mais pour rester, il ne veut pas d’un poste qui ne lui octroie pas tous les pouvoirs. L’équation est complexe et Tebboune devra prendre des décisions importantes dans le dossier de Lachkhem dans les jours à venir.