Très peu porté sur l’esprit d’initiative, Saâd Eddine El Othmani n’aime pas ceux qui ont le courage d’en prendre et y consacrent un temps fou. L’exemple le plus frappant est la manière dont le chef de l’Exécutif marocain (et son parti, le PJD) traite avec les institutions constitutionnelles, surtout celles qui bousculent l’idéologie des islamistes ou qui remettent en cause leur mode de gestion des affaires du pays.
Récemment, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a jeté de gros pavés dans la mare du gouvernement et du Parlement (respectivement dirigé et dominé par les islamistes) en leur soumettant un mémorandum relatif aux libertés individuelles: l’avortement, les relations sexuelles hors mariage entre adultes, viol conjugal, peine de mort et criminalisation de la torture.
Pour l’instance législative et le gouvernement, le travail de longue effectué par les équipes de Amina Bouayyach constitue une inestimable base de travail. Mais Saâd Eddine El Othmani et son parti ne le voient pas sous cet angle.
Anticipant le coup, le PJD a lancé ses troupes au Parlement pour claironner que ce genre de questions sont tranchées. Autrement dit: il ne faut rien changer, quitte à maintenir les Marocains sous le joug de législations vieillottes et non conformes à ses engagements internationaux.
Le souhait du PJD est, comme toujours, que le mémorandum du CNDH tombe dans l’oubli et finisse dans quelque tiroir poussiéreux. Les islamistes ont horreur donc de telles institutions et y voient d’abord la main de ce qu’ils appellent «l’Etat profond» et ils mettent dans le même panier le Haut commissariat au plan (HCP), comme le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ou encore le Conseil de la concurrence. «Circonstances aggravantes», selon les islamistes, ces institutions sont dirigées par des gauchistes ou d’anciens gauchistes. El Othmani, croyant à fond à la théorie du complot, déteste que le HCP avance des taux de croissance ou de chômage différents, que le CESE affirme, preuves à l’appui, que telle politique publique a été à côté de la plaque…
Et il ne faut pas compter sur les autres partis pour redresser la barre avec un PAM au bord de la scission (pour ne pas dire en voie de disparition), l’USFP qui se cherche encore et désespérément, l’Istiqlal qui essaie de se positionner et le PPS qui ne sait plus sur quel pied danser.
Reste alors le RNI qui pourrait bousculer les choses avec l’offensive qu’il mène actuellement sur tous les fronts.